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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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toujours flanqué de maître Marc-Aurèle Lemieux,
    comme
    s’il
    ne
    voulait
    pas
    porter
    seul
    l’odieux de défendre les bourreaux. Pour faire bonne mesure, Arthur Lachance prendrait encore place près de Fitzpatrick. Il arriva sur les lieux en même temps que l’on faisait entrer l’accusé.
    Comme tout le monde dans l’assistance, Mathieu regarda un long moment Télesphore Gagnon. Les agents de la paix lui retirèrent les fers portés aux pieds et aux poignets. Très grand, le régime de la prison lui avait fait perdre un peu de poids.
    Il flottait littéralement dans ses habits. Son vieux complet, peut-être celui qu’il avait revêtu lors de son premier mariage, lui donnait l’allure d’un paysan endimanché venu régler une affaire à la ville. Sur le revers de sa veste, un large ruban rouge témoignait de son appartenance à la Ligue du Sacré-Cœur.
    — Comme l’abbé Massé doit être fier de son paroissien !
    maugréa le stagiaire.
    — A un point que vous ne soupçonnez pas encore : il viendra témoigner pour la défense.
    Mathieu écarquilla les yeux, incrédule.
    — Il ne va tout de même pas venir nous rabattre les oreilles avec la liste des péchés de la petite victime.
    — Il ne le peut pas, cela tombe sous le secret de la confession. Mais notre savant confrère a toute une liste de personnes pour témoigner de la bonne réputation de son client, dont le curé.
    Sur les mots «savant confrère», Fitzpatrick s’était penché en avant afin d’adresser un sourire à son collègue. Les réunions des membres éminents du Parti libéral devaient prendre une curieuse tournure, avec ces deux-là.
    Le juge Joseph-Alfred Déry entra par la porte dérobée réservée à son usage. Alors que tout le monde se levait, il se montra surpris, comme si la matinée ne lui avait pas suffi à s’habituer à une foule pareille. L’affluence ne diminuait pas, même si les témoignages risquaient de ne différer en rien de ceux des deux semaines précédentes.
    Le magistrat présentait un visage glabre, sérieux. Plus jeune que son prédécesseur, il imposait tout de même le respect. Chacun comprenait qu’au moindre désordre, il évacuerait la salle sans état d’âme.
    — Monsieur Fitzpatrick? commença-t-il après avoir pris sa place.

    — Nous allons entendre d’abord le docteur Albert Marois, chirurgien à l’hôpital Hôtel-Dieu de cette ville.
    Mathieu entendit les mêmes questions, et les mêmes réponses. L’obligation de traduire les unes et les autres rendait l’exercice assommant. Il se demanda s’il pouvait sortir le Code civil de son sac pour en mémoriser discrètement des articles, mais
    il
    se
    ravisa:
    ce
    serait
    risquer
    de voir le juge prendre en grippe toute l’équipe de l’accusation.

    *****
    Le lendemain, le jeune stagiaire se présenta un peu après l’heure du dîner. Au retour de l’équipe de la défense, il vit apparaître une silhouette familière au fond de la salle.
    L’assistance se tut afin d’examiner le nouveau venu. Ce dernier s’arrêta près de la table de l’accusation et déclara en tendant la main :
    — Nous n’avons jamais eu l’occasion d’être présentés, je pense.
    — Vous vous trompez, colonel Lavergne, répliqua Mathieu en se levant.
    L’avocat nationaliste fut quelque peu décontenancé devant l’entrée en matière. Le rappel de son grade dans la milice s’accompagnait d’assez de dérision pour écorcher son orgueil.
    — Nous nous sommes croisés à la porte de l’Auditorium, continua le stagiaire, le jour où votre ami Olivar Asselin est venu faire du recrutement pour son régiment. Je suis celui des cousins Picard qui est allé à la guerre. Vous connaissez bien l’autre : il s’est marié pour éviter de la faire.
    Armand Lavergne fit un effort pour maîtriser le timbre de sa voix.
    — Je vous remercie de me rafraîchir la mémoire. La chose m’avait échappé. Désormais, je me souviendrai de vous.
    — Et moi de vous. Vous vous faites le spécialiste des grandes causes. La lutte à la conscription d’abord, et ensuite la défense des bourreaux de petites filles.
    — Cet homme a droit à une défense pleine et entière.
    Napoléon Francœur avait rejoint sa chaise. Il suivait la conversation avec un intérêt amusé.
    — Je me lasse d’entendre ce poncif. Il m’en vient un autre à l’esprit: l’argent n’a pas d’odeur. Dans ce genre de situation, cela me paraît convenir tout à fait.
    — Si recevoir

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