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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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raccourcissaient un peu, laissant voir l’amorce d’un mollet.
    — Quelque chose de grave est arrivé ? demanda-t-elle en arrivant à sa hauteur.
    Au téléphone, quarante minutes plus tôt, le jeune homme lui avait paru bien mystérieux, se refusant à lui transmettre la moindre information.
    — Oui... enfin non, rien qui me concerne, ou mes proches. Je ne pourrai pas te voir demain, comme nous en avions convenu.
    — Même si les communications au magasin ne sont pas bien discrètes, tu aurais pu me dire cela tout à l’heure.
    — Mon motif est moins anodin. Je dois me rendre dans une paroisse, Sainte-Philomène. Un malheur est arrivé, ou est sur le point d’arriver.
    En quelques mots, il la mit au courant de la mort annoncée d’Aurore Gagnon.
    — Quelle affreuse situation, fit sa compagne d’une voix blanche.
    — Dans le cas d’une mort suspecte, une enquête du coroner doit être tenue.
    Devant ses yeux interrogateurs, il précisa :
    — Un médecin préside une procédure assez simple.
    Dans une salle publique, il entend les témoins susceptibles d’expliquer les circonstances du décès. Un jury de six personnes tire une conclusion.
    — Cela ressemble à un procès.
    — Oui, un peu. Le jury doit décider s’il s’agit d’une mort naturelle, ou si un crime a été commis. Dans ce second cas, la police enquête et, éventuellement, des accusations sont déposées.
    La jeune femme, suivie de son compagnon, s’était éloignée un peu du pied de l’escalier afin de laisser les clients aller et venir.
    — Et toi dans tout cela ? Tu n’es pas médecin.
    — Même pas avocat, tu le sais. Mon patron m’a demandé de servir de chaperon aux deux médecins.
    — Il y en aura deux?
    — Le coroner, et celui qui fera l’autopsie.
    A ces derniers mots, Flavie fit la grimace. Ils suscitaient dans son esprit des images déplaisantes, des souvenirs de lecture de romans policiers que son compagnon lui faisait découvrir.
    — Mais elle n’est pas morte, selon ce que tu m’as dit.
    — D’après le juge de paix, cela ne saurait tarder.
    La situation troublait le jeune homme. Il se faisait l’impression d’être un charognard attendant le décès d’une bête blessée.
    — Nous allons nous mettre en route demain matin, très tôt. Je ne sais pas si nous serons de retour en soirée.
    — Je compatis avec toi. Ton travail a des aspects très tristes.
    — Je vais te contacter à mon retour, promis.
    Elle reçut cet engagement avec un demi-sourire.
    — Je n’ose pas te souhaiter un bon voyage.
    — À bientôt.
    L’endroit ne permettait pas le baiser habituel, même très chaste. Leurs doigts s’effleurèrent un bref moment.

    *****
Arcadius Lemay avait rempli à moitié une grande bassine en porcelaine grâce à la pompe à queue placée près d’un évier en tôle et sa femme ajoutait le contenu d’une bouilloire bien chaude.
    — Regarde bien, et n’oublie pas.
    Il acquiesça en silence. Sa bru lui emboîta le pas, une lampe à pétrole à la main. Ils refermèrent la porte soigneusement derrière eux. L’homme posa le contenant sur une chaise placée près
    du
    lit,
    puis
    il
    enleva
    complètement
    la
    couverture.
    — Elle semble si petite, si fragile, dit la femme en mettant sa lampe sur la commode.
    — Aide-moi plutôt.
    Il glissait une main sous les reins de la morte, de l’autre il tenait le bas de la jaquette. Sa parente adopta exactement la même posture. Ensemble, ils soulevèrent un peu le corps et relevèrent prestement le vêtement de nuit jusqu’au-dessus des hanches. Un instant plus tard, en la plaçant en position assise, ils le lui enlevèrent complètement.
    De nouveau étendue sur le dos, la gamine offrait à leurs yeux un corps maigre, presque décharné, marqué de blessures innombrables. La femme trempa une pièce de lin dans l’eau tiède, frotta dessus un gros bloc de savon, puis se mit en frais de laver le visage, les cheveux.
    — Ah! Doux Jésus!
    Son cri amena Arcadius à se rapprocher.
    — Qu’est-ce qu’il y a ?
    — ... Sa tête est toute molle.
    Il prit la lampe, l’approcha tout près du crâne, tout en faisant attention de ne pas toucher les draps ou les mains de sa belle-fille.
    — C’est une bosse. Nous l’avons vue cet après-midi.
    — De cette taille ? Sous mon doigt, c’est tout mou.
    Elle continua la toilette avec précaution, soulignant d’invocations religieuses la découverte de toutes les ecchymoses, de toutes les abrasions, de
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