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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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homme grand et maigre de plus de soixante ans, le visage affublé d’une barbe et d’une moustache fort démodées, se tenait bien droit sur le pavé.
    — Cher collègue, commença Caron en tendant la main, je suis heureux de faire ce voyage avec vous, même si c’est en une bien triste occasion.
    — Je partage en tout point vos sentiments. Nos concitoyens vont nous montrer le côté le plus noir de leur âme, j’en ai bien peur.
    Cela conclut leurs épanchements. Le stagiaire se présenta au docteur Albert Marois.
    — Maintenant, je vous prie de me suivre.
    Des employés s’agitaient près des bittes d’amarrage, une fumée noire et grasse s’élevait de la cheminée. Un peu plus lard, le petit bâtiment s’engageait sur le fleuve encombré de longues plaques de glace. À cette heure matinale, surtout avec les vents acérés venus du nord-est, la température extérieure devenait très vite insupportable. Tous les passagers s’entassèrent dans la grande cabine, le plus près possible du poêle à charbon.
    A Lévis, le trio regagna la gare de l’Intercolonial afin de monter dans le train se dirigeant vers l’ouest. Mathieu conduisit ses compagnons à leur siège. Ils les avaient placés côte à côte. Les vieux messieurs discuteraient carrière tout le long du trajet.
    — Nous demeurerons dans ce train jusqu’à Villeroy.
    Nous en prendrons un autre à cet endroit.
    — Notre destination se trouve-t-elle loin ? demanda Marois.
    — Une cinquantaine de milles, tout au plus. Cependant, nous nous arrêterons sans doute dans tous les villages sur notre chemin.
    Sur ces mots, le jeune homme gagna son propre siège, un peu plus loin vers l’avant du wagon. Un cultivateur, encore un peu aviné à cause de ses libations de la veille, tint à l’entretenir de la chute des prix des denrées agricoles. Le voyage serait bien long, finalement.
    Les trois hommes se réfugièrent dans la minuscule gare de Villeroy pour attendre leur correspondance. Ils remarquèrent un personnage rasé de près, un melon perché sur le crâne et un sac de voyage à la main. Cela pouvait être un voyageur de commerce, mais Mathieu lui trouva l’allure un peu trop renfrognée pour cette occupation.

    — Monsieur, vous ne seriez pas un détective de la Police provinciale ?
    — Et vous, un nouvel employé du bureau du procureur général ?
    Ils se serrèrent la main et échangèrent leur nom avant que Mathieu ne dise à l’intention de ses compagnons de voyage :
    — Docteur Marois, docteur Caron, je vous présente le détective Lauréat Couture, de la Police provinciale.
    Après le nouvel échange de poignées de mains, ils attendirent en silence le train de la société Lotbinière et Mégantic.

    *****
    Un peu après onze heures, le vendredi 13 février, le train haletant entrait en gare de Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    Elle était située un peu en retrait du village. Mathieu se trouvait sur le quai. De son point de vue, il apercevait l’église en pierres grises, et à côté, une très grande demeure à deux corps de logis. Ce devait être le presbytère. De part et d’autre de la rue Principale se dressaient une vingtaine de maisons peut-être, relativement distantes les unes des autres.
    La localité n’avait pas encore quarante ans, la population devait demeurer bien modeste.
    — Monsieur Picard, cria une voix, messieurs.
    En se retournant, il reconnut Oréus Mailhot, un bonnet en fourrure enfoncé bas sur la tête, un manteau en «chat»
    serré à la taille avec une ceinture tissée. Le jeune homme baissa les yeux pour regarder son léger paletot en drap. Son accoutrement ne le préparait guère à ce coin de pays. Le marchand général s’avançait, la main tendue. Après les présentations, il expliqua :

    — Je suis venu avec la voiture de livraison du magasin.
    Veuillez m’excuser pour l’inconfort, mais au moins, nous pourrons tous y loger.
    L’homme se chargea des valises des deux médecins, ouvrit la marche jusqu’à son traîneau. Le docteur Marois, le plus âgé, eut droit à la place sur la banquette, à côté du conducteur. Les autres s’organisèrent pour tenir dans la boîte. Avant de lancer son cheval, Mailhot se tourna vers eux. — Je vous conduis chez monsieur le curé, précisa-t-il.
    Au presbytère, vous pourrez dîner, puis préparer l’enquête du coroner.
    — Il faudra former un jury de six personnes, remarqua Caron.
    — Je pourrai vous suggérer des noms, l’abbé Massé
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