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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Deux ans.
    Les orphelinats accueillaient des enfants de conditions diverses. Un veuf, ou une veuve, forcé de gagner sa vie pouvait y mettre les siens pour une durée plus ou moins longue; la maladie prolongée d’un membre du couple entraînait une situation identique. D’autres fois, des parents bien vivants et en bonne santé y plaçaient une progéniture un peu trop turbulente, ou simplement dérangeante. Dans ce cas, la pudeur amenait à utiliser le mot «couvent».
    Personne ne s’y trompait: les plus jeunes se trouvaient bien à l’orphelinat, les plus âgés dans une école de «réforme», ou de «redressement». Quels beaux euphémismes pour parler d’abandon.
    — Vous n’avez pas de parents susceptibles de vous prendre chez eux ?
    — Nous avons des parents. Mais la dernière fois...
    Trois ans plus tôt, aucun d’entre eux ne s’était porté volontaire pour la prendre sous son aile. Une petite fille mangeait trois repas par jour, tout en se révélant moins utile qu’un garçon dans une ferme. La dépense devait peser à ces cultivateurs.
    — Et maman ? commença Georges. Que va-t-il arriver à maman ?
    Celui-là s’inquiétait de Marie-Anne Houde, sa mère naturelle.
    — Je ne le sais pas trop, ce sera au juge d’en décider.
    — Il va se décider avant ce soir, j’espère, sinon je n’aurai pas à souper.
    — Certainement pas aujourd’hui, répondit la fillette en se penchant un peu en avant pour voir son frère. La police va les emmener à Québec. C’est loin.
    La précision ne parut pas s’enfoncer bien loin dans le cerveau enfantin.
    — Je veux manger avant de me coucher, protesta-t-il.
    — Mais quelqu’un te donnera à manger, affirma Mathieu, j’en suis sûr.
    Le stagiaire s’engageait bien au-delà de sa réelle connaissance des faits. Pourtant, son assurance apaisa le bambin.
    — Ils reviendront quand ? marmonna bientôt la gamine.
    — Couture a parlé de lundi, pour la première comparution.
    Le mot amena la fillette à lever vers lui des yeux interrogateurs.
    — Ils vont voir un premier juge.
    — Après, ils pourront revenir ?

    — Ça, je ne le sais vraiment pas.
    La première présence à la Cour des sessions de la paix devait simplement servir à savoir si la Couronne – le substitut du
    procureur
    général,
    en
    fait
    -
    possédait
    des
    preuves suffisantes pour étayer une mise en accusation.
    Dans l’affirmative, après cela, il y aurait encore l’enquête préliminaire, puis le procès proprement dit.
    — Quand le juge les aura disputés, ils pourront revenir ?
    Marie-Jeanne savait compter les jours, mais elle se faisait une idée bien naïve des événements à venir. Le juge pouvait toutefois remettre les accusés en liberté, dans l’attente de la suite des procédures. Avec des personnes au casier judiciaire vierge, peu susceptibles de prendre la fuite, cela se produisait le plus souvent.
    — Peut-être. Honnêtement, je ne le sais pas. Ils peuvent revenir lundi soir, mais cela peut aussi prendre bien longtemps.
    Les yeux de la fillette se gonflaient de larmes. Des perles gelaient à la commissure de ses yeux.
    — Combien de temps ?
    — Je ne sais pas.
    — Pour avoir battu Aurore ?
    — Elle est morte.
    Son interlocutrice hocha gravement la tête, ses yeux exprimant le plus profond désespoir. Mathieu lui parlait comme à une adulte, avec les formes habituelles de politesse. Elle se
    comportait
    donc
    comme
    une
    grande
    et
    lui
    répondait sur le même ton.
    — Elle ne toussait même pas !
    Les mots vinrent dans un souffle, comme portés par la vapeur blanchâtre lui sortant de la bouche. Marie-Jeanne comprenait l’inanité d’invoquer la tuberculose. Son interlocuteur eut envie de prolonger un peu cet échange, mais la présence du petit frère le retenait.
    — C’est là, intervint bientôt ce dernier.
    La jument trottait dans le septième rang depuis un moment. Le citadin tira sur les rênes afin de ralentir un peu son pas et l’amener à tourner dans l’entrée de la cour. Il quêta d’un regard l’approbation de la petite fille. Elle lui adressa un sourire fugitif, comme à un élève ayant bien retenu sa leçon.
    Puis, les enfants entrèrent dans la maison par la porte de la cuisine d’été, le stagiaire sur les talons. Il trouva Exilda Lemay assise à table, en compagnie d’un couple de personnes âgées encore affublées de lourds vêtements d’hiver.
    — Mesdames, monsieur, je suis venu reconduire les enfants à la

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