Mathieu et l'affaire Aurore

déprime.
    Dubuc acquiesça de la tête. Si les curieux en avaient eu moins à se mettre sous la dent avec Aurore, cette autre affaire meublerait leurs esprits.
    — Tu parles du jeune homme qui a abattu de sang-froid l’amant de sa mère ? demanda le député.
    — A en croire les rapports de police, cette liaison paraît bien improbable. Elle n’a sans doute existé que dans la tête de l’assassin. La dame pouvait être la mère de la victime...
    Mathieu marqua une pause avant d’ajouter avec un clin d’œil :
    — Et bien sûr, elle est infiniment moins bien que toi, maman.
    La flatterie lui valut un sourire.
    — Tu connaissais l’homme qui a été tué ? demanda Marie. C’était un lieutenant de ton régiment.
    — Un peu. Nous n’avons toutefois jamais été stationnés au même endroit, nous n’avons pas eu l’occasion de tisser de véritables liens. Tout de même, quelle malchance : survivre à la guerre et finir comme cela !
    Les vicissitudes de l’existence occupèrent quelque peu l’esprit du trio avant que le député ne demande :
    — Ta remise en question professionnelle, de quoi s’agit-il ?
    — Je m’intéresse au droit des affaires, mais je doute qu’il soit possible de ne faire que cela.
    — A Rivière-du-Loup, certainement pas. A Québec, probablement, une fois ta réputation bien établie. Dans tous les cabinets, les nouveaux s’occupent pendant des années des bagarres entre ivrognes et de l’équivalent urbain de querelles de clôtures. Avec le temps, ils se spécialisent.
    Mathieu hocha la tête pour signifier qu’il en arrivait aux mêmes conclusions.
    — Aussi, je me demande si le notariat ne convient pas mieux à mon tempérament.
    — On y trouve certainement une plus grande sérénité. Et si cela ne conduit pas à la fortune, la profession permet de bien vivre.
    Dubuc marqua une pause avant de conclure avec un certain cynisme :
    — D’ailleurs, le métier d’avocat ne rend pas toujours riche. Regarde-moi.
    Le souvenir de la grande maison de la rue de l’Hôtel-de-Ville, à Rivière-du-Loup, fit sourire le jeune homme.
    Son interlocuteur n’avait pas trop mal réussi.
    — De toute façon, conclut l’étudiant, il me reste encore quelques mois pour y penser. Je prendrai des informations à l’université. Au fond, mes états d’âme tiennent peut-être seulement à cette pénible affaire.
    Pendant une petite heure encore, le trio discuta de divers sujets. Puis, Mathieu alla meubler ses insomnies avec quelques traités de droit.

    *****
La prison de Québec comprenait une aile réservée aux femmes. Pour des raisons évidentes de moralité, le personnel se composait de matrones recrutées plutôt en fonction de leur carrure que pour leur humanité.
    Marie-Anne Houde resta tout l’après-midi couchée sur le dos, les yeux ouverts sur un plafond crasseux. Sa cellule mesurait peut-être quatre pieds sur sept. Cela suffisait à placer
    une
    couchette,
    une
    table
    étroite,
    et
    bien
    sûr le seau d’aisance. Après avoir enduré une quinte de toux interminable, elle se releva, s’assit sur le bord du lit et chercha de quoi correspondre dans ses maigres possessions.
    Les gardiennes ne s’avéraient pas si cruelles. Les prisonnières conservaient le droit d’écrire à la maison de temps en temps. La femme immobile, son bout de crayon dans la bouche, finit par entreprendre de transcrire les idées qui se bousculaient un peu dans sa tête.

    Bien cher mère et cher père je vous écrit quelques mot pour vous dire que mon mari est bien et moi il y a 5 jours que je suis au lit de la grippe mais la je vais me lever demain c'est pour cela que F enquête est retardé cest bien long et bien ennuiant nous avons bien hâte de s'en aller sa peut aller au commencement de la semaine du 29 c'est bien long comme vous voyez oubliez nous pas dans vosprieres ainsi que les enfants [.. ]
    Si, trente ans plus tôt, quelqu’un dans une école de rang de Sainte-Sophie-de-Lévrard l’avait entretenue de choses aussi étranges que l’orthographe, la ponctuation et les alinéas, elle n’en gardait aucun souvenir.
    L’avocat lui avait laissé entendre, lors de leurs premières conversations, que les choses risquaient peu de s’allonger au-delà de l’enquête préliminaire. Selon sa compréhension du calendrier judiciaire, le tout se réglerait avant la fin du mois.
    [...] il vont aller chercher Gérard pour Venquete vous lui direz quand même le déctective le questionnerait qu