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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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veux-tu dire ?
    — Au lieu de se regarder comme des chiens de faïence, si l’un avait dit «je t’aime» à l’autre au début, on serait passé de la première scène à la dernière. Ajoute le générique, cela fait tout au plus cinq minutes.

    Flavie ne répondit rien, attendit d’être sur le trottoir pour reprendre la parole.
    — Crois-tu vraiment qu’une fille peut dire à un homme qu’elle l’aime ? Surtout si elle est plus jeune, plus pauvre et moins instruite que lui ?
    Elle parlait d’elle-même. « Dans cette situation précise, deux gars sont vraiment niais, et je suis l’un de ceux-là », se dit le jeune homme en lui offrant son bras.
    — Nous allons manger de l’autre côté, proposa-t-il, au Café du Nouveau Monde.
    La grande fenêtre à l’avant de l’établissement donnait sur le mur sombre de la cathédrale. Cela n’empêchait guère une foule d’étudiants de le fréquenter avec assiduité.
    Mathieu reconnut deux ou trois camarades de la Faculté de droit, il les salua de la tête avant de gagner une petite table avec sa compagne.
    — Tu es un habitué, remarqua Flavie une fois assise.
    — Oui et non. Je prends la plupart de mes repas à la pension. Mais comme ce restaurant se trouve tout près de mon logis, de celui de ma mère et de l’université, je m’y retrouve assez souvent.
    — Ces garçons ?
    — Je les fréquente en classe.
    La jeune femme pouvait se montrer déçue de ne pas avoir été présentée en bonne et due forme. D’un autre côté, son compagnon n’avait manifesté aucune gêne d’être vu en sa compagnie. Au contraire, il cherchait à l’amener dans ce quartier depuis des semaines. Cela lui parut rassurant.
    — Si je comprends bien, toi, tu as plutôt aimé ce film, affirma Mathieu avec un sourire narquois.
    — Au moins, personne ne s’est entretué.
    Deux ans après la guerre, les grandes productions sur le conflit se multipliaient. Elle avait raison : les amoureux muets procuraient
    une
    heureuse
    diversion
    aux
    grandes
    hécatombes.

    *****
Début mars, le froid relâchait son emprise sur Sainte-Philomène-de-Fortierville. En descendant sur le quai de la gare, Mathieu Picard espérait néanmoins qu’Oréus Mailhot lui «louerait» de nouveau une parka et un casque fourré en lapin. L’humidité atteignait les os, provoquait des frissons.
    Son sac de voyage à la main, il parcourut le demi-mille le séparant du magasin général. Comme la neige mouillée était plus haute que ses couvre-chaussures, Peau atteignait maintenant ses chaussettes.
    En entrant dans le commerce, le jeune homme attira l’attention de quelques clients. Maintenant connu, il suscitait plus de lassitude que de curiosité. Les procédures ne faisaient pas une bonne réputation à la paroisse.
    — Bonjour, monsieur Picard, dit le juge de paix. Vous amenez le beau temps, j’espère.
    — J’amène un sale vent d’ouest et des pieds mouillés.
    — Montez, vous trouverez dans votre chambre de quoi vous vêtir pour ce climat. Auparavant, mangez un peu. Je vous conduirai tout à l’heure en faisant des livraisons.
    Le marchand se penchait sur une poche de sucre afin d’en tirer les deux livres demandées par une paysanne.
    À l’étage, la maîtresse de maison lui réserva un bon accueil. Finalement, ce visiteur bien élevé rompait la monotonie d’un hiver qui n’en finissait plus. Il apportait avec lui des nouvelles de la ville. Ce jour-là, elle semblait s’intéresser surtout aux films à l’affiche. Bon prince, Mathieu lui fit un résumé détaillé du dernier long-métrage vu en compagnie de Flavie.
    Un peu passé une heure, la femme descendit prendre le relais de son mari. Celui-ci entassait maintenant des boîtes de marchandises à l’arrière de son traîneau. Le stagiaire l’aida à terminer, cette fois bien au chaud, de la botte de draveur à la casquette fourrée.
    Puis, assis côte à côte sur la banquette, ils se dirigèrent vers le septième rang.
    — Comment s’est déroulée l’enquête préliminaire ?
    demanda le marchand.
    — Bien, puisque l’accusation de meurtre du bonhomme a été maintenue jusqu’ici.
    — Le détective Couture ne paraissait pas bien content de la situation, à sa seconde visite au village.
    — Mais le curé Massé, lui, devait être heureux de le voir revenir au presbytère.
    Oréus Mailhot laissa échapper un rire bref. Le policier s’amusait à troubler le sommeil et l’appétit du prêtre en se présentant sous

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