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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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pas à
trouver le personnage fort encombrant. En fait, dès le soir même de
ce jeudi 21 juin lorsqu’il lui annonça qu’il avait l’intention de
passer l’été « en famille ».
    –  Et ensuite ? lui demanda-t-elle.
    – Nous avons tant de choses à partager, lui répondit-il.
    Mais Augustine et Augusta étaient loin de partager les réserves
de leur mère tant elles étaient émerveillées de découvrir un
grand-père qui montrait une infinie patience à leur égard, se
prêtant à tous leurs caprices et leur faisant le soir la lecture de
La Semaine de Lisette
à laquelle elles étaient abonnées
depuis peu. Quant à Pierre, il était fasciné par les aventures
exotiques de ce nouveau parent qui était capable d’en parler des
heures durant, décrivant un univers peuplé d’hommes et de bêtes
animés d’une égale féroce sauvagerie, ce qui avait le don
d’exaspérer Mathilde qui ne connaissait que trop les talents de
menteur-né de son père.
    Lorsqu’il lui dit qu’il avait refait fortune lors de son séjour
en Angleterre où il s’était rendu au printemps 1921 pour assister
au mariage de sa fille Ana née de ses secondes noces, elle n’en
crut pas un mot et il dut lui avouer qu’il avait connu quelque
fortune au jeu, la dernière en date étant l’acquisition – si l’on
pouvait employer ce terme pour le solde d’une énorme « dette
d’honneur » – de l’automobile avec laquelle il s’était
présenté, une Hispano-Suiza H6B, qui, avec son moteur de 32 CV et
ses cent trente-sept kilomètres à l’heure, était considérée, selon
ses dires, comme étant la Rolls-Royce française. Mais, à sa
déception, sa fille ne s’en montra guère impressionnée et,
lorsqu’elle lui lança négligemment qu’elle avait possédé une
vraie
Rolls, dont elle s’était séparée en l’offrant à son
ancien chauffeur, il en resta bouche bée.
    – Vous la lui avez offerte ? répéta-t-il, n’osant croire
que sa fille eût commis une telle folie.
    – Oh ! c’était la moindre des choses. J’ai été souffrante
quelques mois et, durant toute mon absence, lui et sa femme se sont
merveilleusement occupés des enfants. Cela méritait un juste
dédommagement.
    – Vous appelez cela un dédommagement ! s’étrangla-t-il.
    – Il était mérité, insista Mathilde.
    – Et vous aviez confié
mes
petites-filles aux soins de
votre chauffeur et de son épouse ? se scandalisa le baron.
Mais c’était les abandonner !
    – Je vous en prie. Pas vous, lui répliqua Mathilde, la voix
blanche.
    – Veuillez m’excuser, mon enfant, dit-il, se souvenant qu’il
était venu quérir l’hospitalité de sa fille et, que, s’il oubliait
qu’il avait lui-même abandonné sa fille, c’était en toute bon foi
car, au moins, songeait-il en s’absolvant de cet acte en son âme et
conscience, il l’avait fait de façon responsable en la confiant à
ses plus proches parents.
    – Tout de même, une Rolls ! répéta-t-il pour lui-même sans
s’être soucié un seul instant de connaître les raisons de santé qui
avaient justifié l’éloignement de Mathilde.
    – Une Silver Ghost, précisa Mathilde la voix tout aussi blanche
et tentant de maîtriser son émotion.
    Ce soir-là, Mathilde eut du mal à trouver le sommeil et,
lorsqu’elle put s’y abandonner enfin un horrible rêve le troubla et
la réveilla en sursaut.
    Feu son mari lui était apparu de nouveau, mais, alors qu’il
allait lui parler, son attention fut détourner par une querelle qui
mettait aux prises le commandant Henry Raillard et ce malheureux
capitaine Marchal dont l’apparence l’avait tant effrayée, puis le
visage de ceux-ci vinrent se superposer tour à tour à celui de son
mari comme s’ils eussent été interchangeables.
    Mathilde en poussa un cri d’effroi, mais elle n’aurait su dire
si elle avait réellement crié ou seulement dans son cauchemar. En
tout cas, elle en éprouva un si profond malaise qu’au matin elle
décida de s’atteler aux préparatifs de départ pour le domaine
familial. Malheureusement, le 7 juillet, quelques jours avant le
départ, son père se foula gravement la cheville en descendant
l’escalier et le Dr Jacob exigea qu’il la reposât et lui interdit
de conduire son automobile. Mais le baron Paul Stern n’entendait
pas se déplacer autrement qu’avec son Hispano-Suiza.
    – Dans ce cas, prenez un chauffeur, lui dit le Dr Jacob pour
mettre un terme au débat.
    – Certes, ce serait une

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