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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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chèvre
d’Épiphanie, qui était une bien brave femme, n’était qu’un gros
chien.
    – Mais nous avons peur des gros chiens, mère, se plaignit
Augusta.
    – Je sais, dit Mme de La Joyette qui avait oublié ce détail,
mais, précisément, quand on est de bonne naissance, on doit
supporter ses peurs, et même ne pas en avoir du tout, ce qui est
encore mieux.
    – Nous aurons quand même peur, fit Augustine.
    – Écoutez, mes filles, dit en soupirant Mme de La Joyette, ce
que votre mère vous demande, elle vous le demande comme un service,
un grand service. Vous aimez votre cousin, n’est-ce pas ?
    – Oh oui ! mère.
    – Alors vous souhaitez qu’il ait un bel anniversaire ?
    – Oh oui !
    – Alors n’ayez pas peur pour lui.
    – On va essayer, mère, dit résignée Augustine.
    Mais Mme de La Joyette négligea de prévenir sa belle-sœur dont
le fils se mit à brailler de frayeur dès qu’il aperçut Émilie, ce
qui fit pousser des hauts cris à Éléonore auxquels se joignirent
ceux de Mme Choissou.
    Mathilde se félicita de sa décision et sourit à la vieille
Épiphanie qui avait pris place au bas bout.
    Quand la chèvre se fut couchée aux pieds de la chaise de sa
maîtresse, tel un gros chien effectivement, et que le calme,
ponctué des reniflements du petit Alexandre, revint, le repas
d’anniversaire put enfin commencer.
    Le pâté qu’avait tenu à apporter Épiphanie fut le premier à être
présenté pour faire honneur à la vieille femme. De toute façon,
elle l’avait exigé. Mais elle se mit à marmonner en jetant un
regard torve à Germaine Choissou qui chipotait sa part avec
méfiance des dents de sa fourchette.
    – Il est délicieux, fit, pour détendre l’atmosphère, le baron
Stern après l’avoir goûté. Qu’est-ce, chère madame ?
demanda-t-il en s’adressant à Épiphanie.
    – Du lapin, ça se voué, répondit-elle en mâchonnant.
    – Il est très goûteux, fit Mme de La Joyette.
    – J’l’as fait pour le Pierrot, répondit flattée Épiphanie. Nous
l’avons dépiauté ensemble c’lundi après l’avouère occis. Il est
bien brave, vot’ Pierrot, madame Mathilde.
    Mathilde pâlit.
    – Vous laissez mon neveu aller où bon lui semble ?
demanda-t-elle en fixant Miss Sarah.
    – Ce n’est plus un enfant, répondit l’Américaine.
    – Un peu de liberté a du bon à son âge pour un garçon, intervint
conciliant le baron Stern.
    – Rassurez-moi, Pierre, vous n’avez pas tué cette pauvre bête
vous-même ? fit-elle en négligeant l’intervention de son
père.
    – Non, ma tante. J’ai juste regardé.
    – Je ne pense pas que cela soit un spectacle pour vous.
    – Il n’est pas inutile de savoir comment l’on dépiaute un lapin
ou un lièvre, intervint le mari d’Éléonore à son tour.
    – Nous avons des gens pour ce genre de chose, lui répliqua
froidement Mme de La Joyette.
    – Mais j’ai l’habitude, ma tante, reprit Pierre tout fiérot.
Marie elle m’a déjà montré comment on tuait un poulet et on le
plumait.
    – C’est vrai, mère, dit Augustine, j’ai vu Marie tordre le cou
du poulet.
    – C’est la vie de la campagne, fit Miss Sarah.
    – Pour sûr ! surenchérit la vieille Épiphanie.
    Mme de La Joyette se redressa sur son siège et repoussa
légèrement son assiette lèvres pincées. Elle ne souhaitait pas
gâcher ce repas, mais il y avait des choses qui méritaient d’être
précisées car, lorsque les circonstances mêlent torchons et
serviettes, les premiers risquent de déteindre sur les
secondes.
    – Je voudrais…, commença-t-elle d’un ton sentencieux.
    – C’est cela ! s’empressa de la couper le baron Stern d’un
ton jovial en se levant le verre à la main. Portons un toast à
notre cher Pierre dont nous fêtons aujourd’hui le dixième
anniversaire.
    Ulcérée d’avoir été interrompue de façon si cavalière, Mathilde
était bien décidée à se faire entendre après le toast.
    – Je voudrais…, reprit-elle en s’efforçant de sourire alors que
l’on commençait de servir le hors-d’œuvre de poison.
    Mais, à part Marinette Breton, personne ne semblait l’écouter et
Germaine Choissou, tout excitée, lança à la cantonade :
    – Vous ne connaissez pas la meilleure ?
    – Quoi donc ? demanda Mme de La Joyette lèvres pincées
devant tant d’impolitesse.
    – C’est fait ! s’exclama Mme Choissou, et je vous dis pas
dans quel état se trouve notre chère Léonie. Oh ! la la !
Elle ne décolère pas,

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