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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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fauteuil,  cherchant un siège pour s’y asseoir.
L’émotion, ajouta-t-elle se moquant d’elle-même.
    – Si le capitaine Marchal s’était douté de l’émoi qu’il vous
causerait par le choix de ce livre, je suppose qu’il serait le plus
heureux des hommes, plaisanta son amie.
    – Je vous en supplie, ne vous moquez pas de ce pauvre homme, la
reprit Mathilde d’un ton sérieux. Mais ce présent me met dans un
fort embarras pour l’en remercier. Ce présent m’est très cher et il
vient à point nommé après la visite de Mafouin.
    – Que voulez-vous dire ?
    – Je vous ai menti tout à l’heure et je vous prie de m’en
pardonner. Il n’est point venu à la demande d’Héloïse mais pour me
tourmenter avec des pseudo-révélations qui lui laisseraient croire
que feu mon mari aurait survécu. N’est-ce point
ignoble ?
    Miss Sarah resta muette de saisissement.
    – Vous en restez tout ébaubie comme je le fus moi-même,
poursuivit Mme de La Joyette en se méprenant sur la réaction de
l’Américaine. Et il m’a demandé de n’en parler à quiconque, et
surtout pas « à votre Américaine », n’a-t-il pas oublié
de préciser.
    – Je crois que cela est effectivement préférable, fit Miss Sarah
la voix blanche.
    – Je ne vous le fais pas dire, dit Mathilde en feuilletant
négligemment le livre. Il est évident que je n’oserais me couvrir
de ridicule en rapportant ces élucubrations à mes amis ou aux
Raillard, mais de vous l’avoir avoué, à vous qui êtes mon amie et
ma confidente, me libère d’un grand poids qui me pesait. Mais je
vous en supplie, gardez ce secret pour vous.
    – Ne vous inquiétez pas. J’ai d’ailleurs déjà oublié la triste
fable de ce monsieur.
    – Je crains, hélas ! que cela ne me soit plus malaisée qu’à
vous-même, soupira Mathilde en refermant le livre.
    Au même moment, des notes de piano s’égrenèrent.
    – C’est Augusta, fit Mathilde, elle n’a pas son pareil pour
massacrer ce pauvre Chopin. Mais je crois qu’elle y a pris goût
pour ennuyer Mme de Saint-Chou, ajouta-t-elle en riant et en se
reprenant aussitôt. Je ne devrais pas rire alors que la malheureuse
est internée Dieu seul sait combien de temps.
    – Vous n’y êtes pour rien.
    – Certes, mais je m’en sens malgré tout fautive. Lorsqu’elle m’a
révélé, à la fin de sa dernière leçon de piano, qu’elle avait
l’intention d’abattre l’administrateur du
Libertaire
pour
venger la mort de Philippe Daudet, j’aurais dû essayé de l’en
dissuader.
     – Vous ne pouviez pas prévoir, fit Miss Sarah d’un ton
fataliste.
    – Bien sûr, mais j’aurais dû m’abstenir de lui lancer, tant elle
m’exaspérait depuis le meurtre de Marius Plateau à m’entretenir des
« martyrs » de l’Action française : « Pendant
que vous y êtes, tuez-en le plus possible ! » Je ne la
croyais pas assez folle pour me prendre au mot et pour surgir en
plein milieu d’une réunion d’anarchistes en brandissant un
revolver.
    – Elle a été aussitôt désarmée et il n’y a pas eu de blessés.
Mais le vrai fautif est celui qui lui aura procuré cette arme et je
crains qu’il ne soit jamais identifié, fit Miss Sarah songeuse.
     
     
    Mme de La Joyette s’endormit ce soir-là en lisant
Paul et
Virginie.
    De la façon la plus étrange, le préfet Mafouin apparut dans ses
rêves, tentant de lui arracher des mains son livre préféré, tandis
que Mme de Saint-Chou, en longue chemise de nuit, la traitait de
pécheresse en faisant force signes de croix.
    Alors que Mathilde allait lâcher prise, le capitaine Marchal
surgit pour lui prêter main-forte, Mafouin et la Saint-Chou
s’enfuyant sans demander leur reste. Puis le capitaine Marchal, tel
un chevalier ôtant son heaume face à sa dame, entreprit de délacer
son masque de cuir.
    Mathilde n’éprouvait nulle appréhension et savait que le visage
du capitaine ne pouvait l’effrayer. Mais à l’instant où il allait
apparaître, elle se réveilla sans l’avoir vu.
    Le cœur battant, elle recouvra ses esprit et réalisa qu’elle
s’était endormie le livre ouvert entre les mains.
    Elle pria pour que le capitaine Marchal acceptât l’invitation à
dîner qu’elle avait supplié Miss Sarah de lui transmettre au plus
tôt en lui disant combien elle avait été touchée par son
présent.
    En refermant l’ouvrage, elle chassa l’image, qui tentait de se
frayer un passage à point mal nommé, de feu son mari dont

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