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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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s’unir, ni de se confondre avec lui ? On peut même dire d’une certaine façon que, depuis huit siècles, toute l’histoire de l’Europe est là. Quant au présent, nos voisins d’outre-Manche étant faits pour le libre-échange de par la nature maritime de leur vie économique, ils ne sauraient sincèrement consentir à s’enfermer dans la clôture d’un tarif extérieur continental et, moins encore, à acheter cher leurs aliments chez nous, au lieu de les faire venir à bon marché de partout ailleurs, par exemple du Commonwealth. Mais, sans le tarif commun et sans la préférence agricole, point de Communauté européenne qui vaille ! »
    Les Anglais (re)firent donc la guerre. Ils créèrent en 1961 l’Association européenne de libre-échange (AELE), composée des îles Britanniques, du Portugal, et des pays Scandinaves. La périphérie contre le continent. Ce rival ayant échoué, les Anglais entrèrent dans le Marché commun en 1972. C’est en effet une règle en France que le retour météorique de l’alliance anglaise, après les plus grandes périodes d’affrontement franco-anglais : le Régent, après Louis XIV ; Talleyrand, après Napoléon ; Pompidou, après de Gaulle. Sarkozy après Chirac… ?
    L’Europe des Six n’était pas l’empire français de 1810, mais lui ressemblait comme une sœur. Elle en avait les forces et les faiblesses. Les Anglais criaient au Blocus continental, mais les négociateurs français du traité de Rome, comme les préfets de Napoléon, ne réussirent pas à poser leurs clôtures sur tout le périmètre. Le Marché commun n’était pas leur idée initiale ; ils en pinçaient pour l’armée, la CED, que le Parlement français détruisit en morceaux, puis l’atome, avec l’Euratom. Le succès du seul Marché commun fut déjà une demi-défaite française. Fidèles à leur tradition protectionniste, les Français bataillèrent et obtinrent un tarif communautaire protecteur, en échange du libre-échange à l’intérieur du Marché commun. Les Allemands, même réduits à nos traditionnels alliés rhénans, sarrois et bavarois, veillaient au grain. Dans son ouvrage L’Europe interdite, un des négociateurs français, Jean-François Deniau, évoque l’ambiance des débats : « Quand nous disions qu’il valait mieux, ne serait-ce que pour des motifs de négociation évidents, partir d’un tarif sérieux et obtenir des concessions en contrepartie de la part des autres pays du monde, le professeur Erhard, ministre de l’Économie et des Finances de la République fédérale, appuyé sur le succès remarquable de sa politique systématiquement libérale, nous rétorquait que le protectionnisme était un mal en soi, et une baisse des tarifs douaniers un bien en soi, même sans contrepartie négociée. »
    On définit un taux unique en calculant la moyenne arithmétique des tarifs douaniers des quatre territoires qui fusionnaient : France, Allemagne, Italie, Bénélux. Les Allemands obtinrent que la remontée des taux allemands – mécanique – ne fut que provisoire. Le texte du traité de Rome fut ambigu à souhait : « Désireux de contribuer, grâce à une politique commerciale commune, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux, les Six ont décidé de créer une Communauté économique européenne. »
    Les Français ouvrirent leur marché à l’industrie allemande, qui finançait des prix garantis à nos agriculteurs. Mais cet équilibre s’avéra fragile. De Gaulle employa les armes habituelles de la diplomatie (politique de la chaise vide) pour défendre les intérêts français ; avec le soutien tacite de l’Allemagne, les Anglo-Américains utilisèrent le libre-échange musclé pour ouvrir le « Blocus continental » qu’ils qualifiaient de « forteresse Europe ». Avant le retour du Général au pouvoir, les services secrets américains avaient généreusement financé l’action de « pères de l’Europe », l’Italien De Gasperi, le Hollandais Spaak ou le Français Robert Schuman, et surtout celui que de Gaulle appelait « l’inspirateur » ou « l’agent américain », Jean Monnet, afin que l’édification des « États-Unis d’Europe » fut conforme aux intérêts de l’Amérique. Après son départ définitif, les cycles de négociation du GATT, appelés « rounds », comme en boxe – tout un programme ! –, dont les États-Unis fixaient l’ordre du jour, répondirent aux progressions de la

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