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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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principes républicains les plus fondamentaux. L’effondrement de l’empire soviétique à l’est a entraîné l’éloignement du maître américain à l’ouest. Après la chute du mur de Berlin, l’Europe a cru se substituer en douceur à l’Oncle Sam. Devenue la première puissance commerciale du monde, elle (se) paierait la redoutable machine de guerre américaine comme les souverains de la guerre de Trente Ans s’offraient les services des lansquenets. L’Europe se croyait en avance. Après avoir inventé la nation, elle ouvrait l’ère postnationale. Après l’histoire faite à coups d’épée, celle des négociations et compromis. Après la guerre, la paix. Après le « hard power » le temps du « soft power ». Les autres y viendraient, suivraient. En raison de son passé glorieux, mais aussi des horreurs commises par elle, l’Europe devait éclairer ce chemin.
    Les institutions européennes de Bruxelles jouèrent un jeu fort ambigu. Elles appuyèrent les régionalismes, donnant un statut d’interlocuteur officiel à toutes les régions, afin d’affaiblir les États centraux. Mais, refusant d’édifier un super-État, elles entreprirent de construire l’Europe par le vide du marché et du droit. La crise financière de l’automne 2008 a détruit son modèle sous ses yeux effarés. La balkanisation annoncée du continent la tétanise ; le retour des tensions nationalistes la laisse sans voix.
    Ainsi, à partir du III e siècle après J.-C., l’affaiblissement de Rome entraîna un lent délitement de l’Empire d’Occident, une aspiration par le bas des provinces de Germanie, de Gaule, ou d’Espagne, qui précédèrent et préparèrent le grand effondrement du V e siècle.
    La décomposition belge prend « Bruxelles » à son propre piège. Un des États fondateurs du Marché commun, pays modèle de l’Europe – fédéralisme, multilinguisme, libre-échangisme – s’affaisse, au risque d’emmener dans sa chute toute la construction européenne. La Belgique est l’épicentre d’un mouvement historique inouï. Si elle tombe, le jeu de dominos pourrait s’accélérer.
    « Cette frontière des races et des langues européennes est un grand théâtre des victoires de la vie et de la mort. Les hommes poussent vite, multiplient à étouffer ; puis les batailles y pourvoient. Là se combat à jamais la grande bataille des peuples et des races. Cette bataille du monde, qui eut lieu, dit-on, aux funérailles d’Attila, elle se renouvelle incessamment en Belgique entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne, entre les Celtes et les Germains. C’est là le coin de l’Europe, le rendez-vous des guerres. Voilà pourquoi elles sont si grasses, ces plaines ; le sang n’a pas le temps d’y sécher ! Lutte terrible et variée ! À nous les batailles de Bouvines, Roosebeck, Lens, Steinkerque, Denain, Fontenoy, Fleurus, Jemmapes ; à eux, celles des Éperons, de Courtrai ; faut-il nommer Waterloo ? »
    Il faut toujours partir de Michelet. Entre Meuse et Escaut, on retrouve toutes nos batailles, tous nos espoirs, tous nos drames : Bouvines, Lens, Denain, Fontenoy et Audernade, près de l’Escaut ; Steinkerque, Nerwinde, Ramillies, Seneffe, Ligny, Waterloo, entre Escaut et Meuse ; Malplaquet, Wattignies et les champs quatre fois ensanglantés de Fleurus, près de la Sambre ; Rocroi, Raucoux, Lawfeld, près de la Meuse ; plus au nord, Mons-en Puelle, Cassel et Roosebeck, nos grandes batailles flamandes ; plus à l’est, à Hondschoote, Crécy et Azincourt, trois de nos cinq grandes batailles contre les Anglais. Le XX e siècle a ajouté son lot de gloire et de morts. La bataille de la Somme et le Chemin des Dames et l’Argonne, au nord de Verdun en 1914-1918 ; en 1940, Gembloux (Belgique), Stonne (Ardennes), le bois d’Inor (Meuse), le Mont-Dieu (Ardennes), Montcornet (Aisne). En 1914, les Liégeois bloquèrent une partie de l’armée allemande qui fonçait sur Paris, et permirent ainsi à l’armée française de se réorganiser pour arrêter les Allemands sur la Marne. En 1919, la ville de Liège reçut la Légion d’honneur pour ce haut fait d’armes. En 1945, c’est à Liège que fut érigé le monument national de la Résistance.
    Clausewitz l’avait établi : « Le point faible de la monarchie française se trouve entre Bruxelles et Paris. » Déjà, Charles Quint disait : « Paris est dans mon Gand. » D’où l’obsession de cette rive gauche du Rhin qui mettait le grand fleuve

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