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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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et ses côtes des vêtements de nuit et des articles de toilette qu’Anna lui avait certainement apportés. Elle se dirigea vers la salle des dames. Jerzy lui sourit et attendit son retour. La robe de nuit devait certainement appartenir à Anna et Jerzy plissa les yeux pour imaginer l’allure qu’aurait eue cette dernière. La cousine appuya sur la sonnette pour faire venir le
porter
et lui demander de rapporter l’échelle qui avait été déplacée au profit d’autres passagers. Le
porter
arriva promptement et pria Jerzy de bien vouloir le laisser terminer son dernier lit.
    –
If y’a got the blues, go and see people. Dont stay here
.
    Jerzy se leva et voulut retourner à
l’observation car
mais il se dirigea vers la cousine.
    – Je n’aime pas l’idée qu’une jeune fille comme vous descende une échelle en pleine nuit. Aussitôt qu’il aura terminé, je voudrais que vous preniez mon lit. Vous serez juste à côté d’Anna.
    – Je vous remercie, ce ne sera pas nécessaire.
Prosze
.
    –
J’insiste.
    La cousine le regarda bien en face, crut comprendre quelque chose et accepta. Le
porter
terminait son travail au moment où Jerzy se dirigea vers l’autre wagon. La cousine se glissa dans les draps frais, éteignit et s’endormit presque aussitôt.
    Jerzy observa Anna. Elle avait la tête qui ballottait au rythme du train, qui n’avait pas ralenti son allure malgré la neige. Elle avait déposé son livre sur ses cuisses et avait les yeux mi-clos, ignorant les rires des gens de la table d’à côté qui jouaient une partie de canasta. Elle neremarqua pas la dame qui tricotait une chaussette, pas plus que l’autre qui avait pris place à une petite table de chêne et rédigeait sa correspondance. Un homme assombrissait l’air d’un nuage de fumée de cigare qui empestait plus qu’il ne parfumait. Jerzy s’approcha d’Anna qui sursauta en l’apercevant, s’empressant de reprendre son livre. Il s’assit lentement dans le fauteuil à côté d’elle, puis se pencha pour prendre le livre et tourner les pages jusqu’au signet.
    – Je pense que vous étiez rendue ici.
    Anna eut un sourire à la fois contrit et moqueur et Jerzy trouva que sa canine, finalement, pouvait être jolie.
    – Votre cousine est couchée dans mon lit.
    Anna sursauta mais, avant de parler, attendit une explication. Jerzy fut assez content de l’effet produit par son entrée en matière.
    – Je vais donc dormir dans la couchette au-dessus de la vôtre. J’espère que vous ne ronflez pas.
    – Je n’en sais rien. Et vous?
    – Oui. Il paraît que je fais autant de bruit qu’un moteur d’avion.
    – Qui vous a dit ça?
    Jerzy ne répondit pas tout de suite. Il se demandait s’il devait dire «mes compagnons d’infortune du camp de travail», ou «mes compagnons d’armes» ou «mes camarades d’hôpital» ou bien «Pamela».
    – Ma mère.
    Un serveur s’approcha d’eux et Jerzy commanda une vodka alors qu’Anna se contenta d’un soda au gingembre et de bretzels.
    – Elle est restée en Pologne?
    – Elle n’a pas eu le choix. Les Allemands l’ont assassinée moins de six mois avant la fin de la guerre.
    Anna ne répondit rien, se contentant de baisser la tête comme elle le faisait à l’église au moment de l’offrande du sacrifice.
    – Vous m’excuserez, mais je ne sais jamais quoi dire quand on me parle de ces choses-là.
    – Je n’ai pas besoin de vous excuser. Moi, je ne sais pas encore comment les dire.
    Ils payèrent chacun le verre qu’on leur apportait et Jerzy brossa un rapide tableau, sans entrer dans les détails, de ses huit dernières années. Anna avait perdu son air moqueur, souriant uniquement quand il souriait, riant uniquement quand il riait, regardant dehors quand il avait la vue embrouillée par un souvenir trop aveuglant. Le wagon s’était vidé et le serveur vint leur offrir de prendre un dernier verre. Jerzy accepta mais Anna refusa. Elle regarda l’heure.
    – Je crois que je devrais aller dormir. Demain, je visite Montréal avec ma cousine. Mais vous, vous partirez assez tôt pour Toronto.
    Jerzy acquiesça avant de faire cul-sec. Il la précéda et lui ouvrit les portes, qui étaient toujours extrêmement lourdes. Ils entrèrent dans leur wagon et se dirigèrent vers leurs lits. Anna ouvrit le rideau et se glissa sur le sien pendant que Jerzy installait l’échelle pour monter.
    –
Dobranoc!
Anna.
    –
Dobranoc!
Jerzy.
    Jerzy savoura ce chuchotement qui avait été

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