Même les oiseaux se sont tus
ni le moment.
Étienne fut blessé et il ne lui adressa plus la parole, se contentant de saluer Anna et Jerzy et de leur faire comprendre qu’il téléphonerait le lendemain, avant de sortir sans faire de bruit. La nuit s’empressa d’avaler le bourdonnement du moteur de son automobile.
À minuit, Élisabeth était inconsolable
– J’ai peur…
– Peut-être qu’il est avec une fille…
– Jerzy! Jan vient juste d’avoir vingt ans.
Jerzy se tut, craignant tout à coup de commettre une indiscrétion quand à son passé à lui. Mme Jaworska avait réussi à gagner sa chambre pour y dormir et Anna avait abandonné sa tête sur l’épaule de son mari. Seuls Jerzy et Élisabeth montaient la garde, Jerzy fumant de plus en plus et Élisabeth tournant en rond dans la cuisine.
– Cesse, Élisabeth. Tu vas me rendre fou.
Elle se laissa tomber dans une berçante et commença à se balancer, faisant craquer et un barreau de chaise et une latte du plancher. Jerzy soupira son agacement.
– Je pense que je préfère te voir marcher.
Elle se releva et enleva ses chaussures avant de reprendre sa marche d’impatience.
– Veux-tu un bréviaire?
Elle regarda son frère, se demandant comment il faisait pour essayer de la faire rire dans un moment pareil. Jerzy prit un air contrit et alluma une autre cigarette avec son mégot.
Les lueurs du matin passèrent les fenêtres de la cuisine et chatouillèrent les yeux endormis d’Élisabeth. Leur effleurement la réveilla. Elle battit des paupières et vit qu’il était plus de cinq heures. Jerzy, la jambe reposant devant lui, ronflait tout doucement, faisant virevolter une mèche de cheveux d’Anna qui dormait, le front plissé d’inquiétude. Élisabeth se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit doucement. Elle sortit devant la maison et fouilla du regard tout ce que l’aurore daignait éclairer. Maintenant, elle était angoissée. Elle rentra dans la maison, retenant la porte pour l’empêcher de claquer. Elle passa à la salle de bains pour se changer et réenfiler sa robe de travail, mit les bottes de caoutchouc d’Anna et ressortit d’un pas décidé. Il lui fallait trouver son frère.
Élisabeth marcha jusqu’au village. Les commerces n’étant pas encore ouverts, elle ne put interroger les gens. Elle éprouva quelque trouble à penser que Jerzy avait probablement raison. Mais son inquiétude l’emportait sur la crainte d’avoir à inventer des prétextes pour expliquer sa présence si jamais elle le trouvait dans les bras d’une fille.
Les coqs chantèrent et les sons commencèrent à habiter les cuisines et les bâtiments. Élisabeth ne ralentit pas sa marche. Ayant depuis longtemps quitté les limites du village de Saint-Norbert, elle rebroussa chemin et revint en direction de chez Jerzy, mais en marchant de l’autre côté de la route. Elle commença à étouffer. La marche l’avait fatiguée, certes, mais elle manquait d’air tant elle était angoissée. Elle vit l’église et s’en approcha pour aller s’y asseoir quelques minutes. La porte était verrouillée. Elle se retourna et du coin de l’œil aperçut quelque chose dans le cimetière. Ellebougea lentement la tête et poussa un cri horrifié. Elle franchit la clôture et se précipita vers Jan qui reposait face contre terre, le front appuyé sur la pierre tombale d’un certain M. Horodyski. Élisabeth s’agenouilla à ses côtés et le retourna. Si elle s’était attendue à le voir ivre, elle n’avait pas imaginé le trouver baignant dans son sang.
– Jan, bon Dieu! Ouvre les yeux et dis-moi quelque chose! Jan!
Jan était inconscient. Elle courut derrière l’église dans l’espoir d’y trouver un robinet. Dans son énervement, elle ne vit rien. Elle revint vers Jan et le secoua, tout doucement, sans le brusquer. Il ne broncha toujours pas. Affolée, elle retourna chez Jerzy, galopant à travers l’allée bordée d’arbres en appelant son frère à tue-tête.
– Jerzy! Anna! Vite!
Elle ne proféra plus un mot, entra dans la maison à toute vitesse sous le regard blême de son frère et de sa belle-sœur, s’empara de trois serviettes, d’une couverture et d’un cruchon d’eau, et ressortit, toujours au pas de course, immédiatement suivie de Jerzy qui, au volant de sa voiture, la rejoignit et la força à monter.
– Au cimetière.
Ils retrouvèrent Jan où Élisabeth l’avait laissé. À son tour Anna essaya de le réanimer pendant que Jerzy repartait à
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