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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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cheveux dont la blondeur faisait toujours sensation. Dès que son élève partit, elle arracha Adam du sol et l’embrassa goulûment.
    – Que c’est gentil d’être venu me faire rire! Tu sais qu’aujourd’hui ton grand frère a dix-neuf ans?
    Adam gazouilla du plaisir qu’il avait de se sentir emporté, avant de frétiller pour être reposé sur le plancher afin de continuer la grande aventure qu’il venait d’entreprendre. Zofia lui prit la main et sortit de l’appartement pour se diriger vers la cave, où se trouvaient Tomasz et les enfants. Les escaliers descendus, elle reposa Adam qui trotta allégrement vers Élisabeth. À son tour, celle-ci l’arracha du sol en riant. Tomasz, lui, sourit du plaisir de voir la vie continuer d’habiter sa maison. Quant à Jan, il constata que son frère mettrait encore bien des années à grandir et que ce qu’il avait prédit se réalisait: lui-même seraitdavantage comme un oncle qu’un grand frère. Ce sont cependant ses craintes pour les portions de nourriture qui l’inquiétaient toujours. Zofia s’installa derrière Tomasz et regarda par-dessus son épaule, une main lui frottant le dos.
    – Tu es certain que ça va fonctionner?
    – Oui. Contrairement à ce que je pensais quand l’université a été fermée, il y a encore quelques étudiants qui sont ici. Je pourrais recommencer à travailler... Avec un peu d’aide, je suis prêt à en accueillir quelques-uns même si le risque est grand.
    – De toute façon, vivre en Pologne est un grand risque.
    – Vivre est un grand risque.
    Tomasz regardait Adam qui venait de piquer du nez sur la terre battue et se relevait, pataud mais souriant, encore émerveillé d’avoir réduit l’écart entre ses yeux et ceux des gens devant lui.
    Le rêve que Tomasz avait caressé avant son emprisonnement prenait forme. La cave, qui servait occasionnellement de relais postal, ressemblait de plus en plus à une bibliothèque universitaire. Il y avait si peu de survivants de cette horrible nuit d’accueil que ceux qui étaient revenus, les «vieux», demeuraient farouchement déterminés à scolariser les jeunes et moins jeunes qui croyaient encore en l’avenir. Cette simple foi en la venue de lendemains suffisait à Tomasz.
    Ils remontèrent à l’appartement et Zofia coucha Adam qui roucoulait toujours les joies de sa journée. Jan fit ses exercices de violon dans sa chambre tandis qu’Élisabeth lut dans la sienne. Tomasz redescendit à la cave avec des piles de notes de cours qu’il avaitremises à jour. Il remonta rapidement, s’allongea aux côtés de Zofia et s’endormit aussitôt.
    Élisabeth tourna la dernière page de son livre et décida enfin de se dévêtir. Elle suspendit sa nouvelle jupe, celle qu’elle avait reçue pour son anniversaire quatre mois plus tôt. Elle avait tant souhaité une jolie jupe à motifs de fleurs. Sa mère n’avait pas trouvé de tissu mais elle avait fait des merveilles en la lui cousant dans les vêtements que Jerzy n’utiliserait plus. Élisabeth essaya d’imaginer l’air – qu’elle aurait eu si la guerre ne les avait pas précipités dans la pauvreté. Elle se reprocha aussitôt cette réflexion, sachant fort bien que sa famille était parmi les chanceuses. Le piano de sa mère, le travail un peu rémunéré quoique odieux de son père, les visites régulières de M. Porowski leur permettaient de se nourrir quotidiennement. Seul Jan ne cessait de répéter qu’il grandissait, que son estomac grandissait encore mais que ses platées, elles, étaient toujours pareilles. Son frère l’étonnait toujours même s’il rouspétait trop souvent. Depuis le départ de Jerzy, il avait mis au point une «stratégie» dont il avait failli parler à M. Porowski pour montrer que lui aussi faisait du travail illégal. Elle l’avait sauvé de justesse.
    Élisabeth savait que lorsque Jan quittait la maison en portant les chaussures de Jerzy, il revenait avec des fragments de charbon qu’il déposait dans un vieux sac de jute abandonné par M. Porowski. Ces jours-là, botté comme le Chat du conte, il jouait presque au Petit Poucet, parcourant les rues en ramassant tous les cailloux noirs que les charbonniers avaient laissés tomber. Aussitôt qu’il voyait les reflets verts et bleus d’un petit morceau, il se déchaussait et laissait tomber sa trouvaille dans le soulier trop grand qu’il renfilaitimmédiatement, feignant d’avoir fait tomber un caillou. Dès que son sac

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