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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Élisabeth dormit pendant deux heures, ne s’éveillant qu’une fois après avoir appelé Adam en criant. Jan la consola et elle se rendormit en hoquetant comme un enfant qui vient d’avoir une immense peine.
    Jan aperçut des gens sur l’autre rive. Il se tapit dans un bosquet, félin à l’affût, et attendit qu’ils disparaissent tout en surveillant Élisabeth afin qu’elle ne se lève pas. Les gens descendirent sur le rivage et se baignèrent. Jan reconnut le parler tchèque et en fut presque soulagé. Élisabeth et lui devaient être sortis de Pologne depuis longtemps et, si ses calculs étaient bons, approcher de la Hongrie ou, s’ils y étaient déjà, filer vers la Roumanie. Les baigneurs, qui riaient, semblaient sans méfiance. Les rives étaient si calmes que Jan se demandait s’il y avait encore des combats. À Cracovie, on avait parlé de conflits qui secouaient tous les pays autour d’eux.
    Jan commençait à s’ankyloser lorsque Élisabeth ouvrit les yeux. Il lui fit signe de se taire. Elle avala trois respirations et rampa jusqu’à lui. Il répondit à son regard interrogateur en montrant du doigt les baigneurs. Elle comprit aussitôt et se tapit près de lui.
    – Couche-toi quand même, Jan. Si je vois qu’ils veulent traverser, je te réveille.
    Jan voulut protester mais céda, usé de fatigue. Élisabeth demeura aux aguets. Les baigneurs partirent enfin et elle soupira de soulagement. Son frère reposait toujours. Elle se releva pour se dégourdir. C’est alors qu’elle entendit un craquement quelque part derrière elle. Tous les poils de son corps se hérissèrent et elle crut qu’après avoir frappé quelques bons coups son cœur s’était arrêté de battre. Elle avança un peu. On la suivait, elle en était certaine. Elle jeta un rapide coup d’œil en direction de Jan, qui dormait profondément. Elle continua de marcher vers la rivière. Cette fois, un caillou la rejoignit. Pieds nus, elle avança dans l’eau et se retourna brusquement. Elle eut le temps de voir unesilhouette disparaître derrière un bosquet d’arbrisseaux. Jan dormait encore. En un éclair, elle décida qu’il lui fallait absolument attirer la personne vers elle pour protéger son frère. Alors, elle choisit de se jeter dans la gueule du loup et, feignant la nonchalance, marcha en direction du buisson. «Encore dix secondes et je suis morte, pensa-t-elle. Neuf… huit… sept…» Elle poussa un grand cri au même moment qu’un jeune homme devant elle. Ils tentèrent tous les deux de déguerpir comme des lapins, mais chacun resta paralysé devant la peur de l’autre.
    Jan avait bondi sur ses pieds, les poings fermés, prêt à tuer. Il comprit qu’il n’avait pas été vu et rampa avant de marcher voûté sur la pointe de ses pieds nus, s’approchant du jeune homme par derrière. Il fouilla dans ses poches de pantalon, y trouva les cordes du violoncelle de son père et enroula autour de ses mains la corde du
do
, la plus grosse et la plus forte. Il avait toujours pensé qu’elle pourrait lui servir d’arme.
    Jan ne quittait pas l’ennemi des yeux. Il vit que l’autre n’était pas armé d’un fusil mais semblait avoir un couteau. Élisabeth ne cillait pas, résignée ou terrorisée. Elle avait aperçu Jan mais n’avait pas bronché. C’était la première fois qu’elle voyait le danger de si près. Elle sentit ses genoux s’entrechoquer sous de violents tremblements. Son corps n’avait pas vécu une telle turbulence depuis l’assassinat de sa famille. Elle ne bougea pas pendant que de lourdes secondes s’écoulaient au rythme emballé de son cœur.
    Pendant qu’Élisabeth devenait de plus en plus livide, Jan s’approcha derrière le jeune homme, qui l’entendit et tourna la tête au moment où il bondissait sur lui en hurlant, lui enserrant le cou avec sa corde métallique.Élisabeth cria elle aussi, mais c’était davantage parce qu’elle n’avait pas envie de voir la mort triompher devant elle. Elle ferma les yeux. Le jeune homme commença à se débattre mais Jan tint bon. Ce dernier avait fermé la bouche si fermement que sa lèvre inférieure s’était mise à saigner. Élisabeth rouvrit les yeux, le temps de constater que le jeune homme rougissait sous l’effort qu’il faisait pour faire lâcher prise à Jan. Elle entendait ses gargouillis et elle se boucha les oreilles. Était-ce son imagination ou un cri réel? Elle entendit des supplications en polonais. Elle ouvrit

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