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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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d’eux pleurait. Les adultes,
    debout, les surveillaient.
    Quelqu’un a enlevé l’enfant qui pleurait de sa monture. J’ai
    foncé. Youri m’a rattrapé.
    — Non.
    — Pourquoi ? ai-je demandé en me débattant.
    — Ce n’est pas pour toi.
    J’ai cru qu’il plaisantait.
    — Tout est pour moi ! ai-je rigolé.
    J’en étais persuadé.
    Il m’a agrippé le cou, l’a serré jusqu’à ce que je ne puisse
    plus respirer. A approché son visage tout près du mien. J’ai
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    senti son haleine parfumée au cornichon.
    — Non !
    Tournant le dos au manège, nous nous sommes éloignés en
    direction de l’orphelinat.

    De ce jour, je me suis endormi avec les échos de la musique
    entraînante dans ma tête. Des chevaux pailletés d’or
    tournoyaient dans mes rêves. Au matin, il n’y avait que de la
    paille dans mes oreilles.
    Lorsque nous sortions ensemble, j’essayais d’entraîner
    Youri vers le manège. Dès que nous nous en approchions, je
    sentais sa main se crisper sur mon col.
    Je suis sûr qu’il savait que je lui désobéissais, pour peu que
    je sois seul. Plus d’une fois, je me suis rendu tout droit vers les
    beaux chevaux. Ils n’étaient pas tout le temps en mouvement.
    — Il y a des coupures d’électricité, m’avait dit Youri un jour
    pour m’expliquer pourquoi il arrivait que notre ampoule ne
    s’allume pas, du temps que nous vivions comme des rois dans la
    cave du salon de coiffure.
    Du coup, la fête n’en était que plus belle lorsque les chevaux
    dansaient. J’étais incapable de résister. La première fois que je
    suis retourné là-bas tout seul, j’étais bien décidé à monter sur
    l’un d’eux. Le sol était couvert d’une épaisse couche de neige,
    mais je . ne ressentais pas le froid. Toutes les selles dorées
    étaient occupées. Je suis resté à regarder tournoyer les chevaux
    inlassablement. Je crois que mes yeux devaient être aussi
    grands que les leurs, mon sourire aussi large que ceux de tous
    ces enfants rieurs réunis.
    Aussi, quand les animaux ont ralenti et se sont arrêtés,
    quand la musique s’est tue, quand les adultes qui patientaient se
    sont précipités pour soulever les petits cavaliers, je n’ai pas
    hésité. J’ai bondi sur la plate-forme, ai grimpé sur une monture.
    Le plus beau de tous ces beaux chevaux. Je l’avais repéré tout de
    suite. Il était noir comme la poussière de charbon sous mes
    ongles. Il avait des glands dorés derrière les oreilles, une queue
    qui flottait au vent, trois sabots dorés sur le sol et un levé. Sa
    tête se dressait, majestueuse, et sa bouche était ouverte comme
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    pour crier à tous les chevaux du monde : « Regardez-moi ! »
    Durant ces quelques secondes, j’ai été plus haut et plus grand
    que n’importe qui.
    Puis un enfant a crié :
    — Il n’a pas de ticket !
    Un homme s’est approché, a tendu la main et a dit :
    — Ton ticket.
    — C’est quoi, un ticket ? ai-je demandé.
    L’homme m’a arraché de ma monture et m’a jeté tête la
    première dans la neige.
    Un instant plus tard, une fillette aux cheveux dorés comme
    les glands du cheval a tendu le doigt vers moi en hurlant :
    — C’est un sale juif !
    Je me suis relevé. Tout le monde me dévisageait, même les
    renards sur les épaules des dames.
    — C’est même pas vrai, d’abord ! ai-je braillé. Je suis
    tsigane !
    — Hou !
    La fillette aux cheveux d’or s’est pincé le nez et s’est sauvée
    en poussant des piaillements. Les autres enfants ont tiré sur les
    mains des dames comme des chiens sur leur laisse. Ils ont
    brusquement tendu leur figure vers moi.
    — Sale tsigane ! Sale tsigane !
    Une à une, les petites filles ont échappé à leur mère. Elles se
    sont ruées vers moi pour me donner des coups de pied avant de
    retourner en courant, ravies, vers les dames. De leur côté, les
    garçons me bombardaient de boules de neige.
    Je me suis enfui.
    Mais je suis revenu le lendemain, le surlendemain. Quand
    les chevaux bougeaient, je les observais de loin, envieux.
    Un jour que j’avais apporté du charbon à l’orphelinat tout
    proche, j’ai demandé au docteur Korczak :
    — Est-ce que les orphelins font du manège ?
    Il arrivait que les orphelins jouent dehors, mais je ne les
    avais jamais vus sur le carrousel.
    — Non, m’a-t-il répondu, une lueur de tristesse dans les
    yeux. Un jour, peut-être.
    J’ai contemplé son visage rond et son fabuleux bouc blanc.
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    — Pourquoi ? Parce qu’ils

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