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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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sont juifs ?
    Il a fixé le joyeux manège derrière moi. S’est tourné vers les
    orphelins qui s’amusaient à côté. Les filles sautaient à la corde.
    Il leur a souri. J’ai pensé que le sourire des pères devait
    ressembler à celui-là.
    — Ce sont des enfants, a-t-il dit, comme surpris, en me
    regardant. Juste des enfants.
    Il y avait une question sur ses traits, mais je n’ai su y
    répondre.

    Cette chose, l’électricité, je ne la comprenais pas. Elle venait
    et disparaissait sans prévenir. Je m’émerveillais que, sans elle,
    les lumières restent sombres et le manège immobile. Depuis
    deux ou trois jours, les chevaux peints n’avaient pas bougé. Je
    croyais les entendre hennir : « Laisse-nous courir ! »
    Puis, une nuit, dans l’obscurité de l’écurie, je me suis
    réveillé au son de la musique. Cela m’arrivait souvent. Youri
    m’expliquait qu’elle était seulement dans ma tête, car le
    carrousel se trouvait à des kilomètres de là. D’ailleurs, les
    manèges ne fonctionnaient pas la nuit.
    Mais cette fois-là, c’était différent. Elle n’était pas dans ma
    tête. J’en étais sûr. Je me suis approché de la fenêtre. La pleine
    lune se reflétant sur la neige éclairait le monde – qui avait
    besoin d’électricité ? Quelque part au loin, la musique
    retentissait. Youri dormait. Je me suis faufilé hors de l’écurie.
    — Youri ne m’attachait plus – et me suis glissé dans le
    couvre-feu.
    Au fur et à mesure que j’approchais du manège, les notes
    étaient de plus en plus fortes. J’avais eu raison ! Je me suis mis
    à courir dans la neige qui me ralentissait. Enfin, il était là !
    Illuminé par des ampoules que j’avais à peine remarquées en
    plein jour. La musique carillonnait, les chevaux tournaient
    encore et encore, les lumières étincelaient – et il n’y avait
    personne ! La mystérieuse électricité avait dû revenir en pleine
    nuit et réveiller le carrousel.
    J’ai grimpé sur la somptueuse monture noire aux glands
    dorés, et nous sommes partis dans une ronde infinie. Je suis
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    passé de bête en bête jusqu’à ce que je pense les avoir toutes
    chevauchées. Je les ai montées à l’endroit et à l’envers. Je les ai
    montées assis et debout. Il me semble que je n’ai pas cessé de
    rire et, au milieu de mes rires et de la musiques mêlés, j’étais
    certain d’entendre les petits hennissements des chevaux,
    heureux de bouger de nouveau.
    Soudain, j’ai eu une idée. Me suis calmé. Ai regardé la masse
    sombre de l’orphelinat. Titubant et tombant dans la neige,
    étourdi par des heures de ronde, j’ai couru jusqu’à l’orphelinat.
    Ai cogné à la porte.
    — Docteur Korczak ! Docteur Korczak !
    Une lumière s’est allumée. Des verrous ont cliqueté. Il a
    ouvert. Dans ses yeux se lisait la peur.
    — Docteur Korczak, ai-je balbutié, le manège marche !
    Regardez ! Il n’y a personne, là-bas ! Réveillez les enfants !
    J’ai reculé d’un pas. J’ai agité la main.
    — Venez !
    Dans le clair de lune, le docteur a tendu les bras et m’a
    rudement tiré à l’intérieur de la maison. Il a claqué la porte et l’a
    verrouillée. Il m’a secoué par les épaules.
    — Espèce de petit fou au grand cœur ! s’est-il exclamé.
    Il m’a entraîné à l’étage et m’a couché dans un lit.
    Tandis que je m’endormais au milieu des orphelins, la lune
    a effectué sa révolution, le matin est arrivé, puis un jour plus
    noir que la nuit. Quand je me suis réveillé, Youri était en bas,
    discutant à voix basse avec le docteur. Les nuages exhalés par
    leur bouche se mélangeaient.
    Nous avons quitté l’orphelinat. Je m’attendais à ce que
    Youri me calotte, à ce qu’il me cogne la tête contre un mur, à ce
    qu’il me traite d’imbécile. Rien de tel. Tandis que nous
    marchions dans la neige, j’ai levé les yeux vers lui. Si seulement
    il m’avait serré le cou, m’avait fait pleurer. Il n’a pas daigné me
    regarder. Peu à peu, mon désir de monter les beaux chevaux
    s’est éteint.
    Mais pas celui de les contempler.

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14

    Au cours de l’hiver, les arbres autour du manège ont disparu,
    l’un après l’autre, jusqu’à ce que, bientôt, il ne reste que des
    souches. C’est alors que l’impensable s’est produit.
    M’approchant un jour du carrousel, j’ai remarqué que les
    choses avaient changé. Une foule importante était rassemblée
    autour de la plate-forme, mais il n’y

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