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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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repéré Janina. Elle avançait d’un pas lourd,
    avec les siens. Son sac traînait presque par terre. Je me suis rué
    vers elle.
    — Janina !
    Elle a souri en me reconnaissant.
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    — Misha !
    — Tu vas au ghetto ? me suis-je écrié à toute vitesse. Ou
    t’étais passée ? Il y a quelqu’un dans ta maison, maintenant. Je
    l’aime pas. Il a renversé sa bière sur ma tête. Je lui ai écrasé le
    pied.
    Elle a ri.
    — Carrément écrasé le pied, ai-je répété.
    Elle a ri encore plus fort.
    — Personne ne me voit, Janina, me suis-je plaint. Sauf le
    docteur Korczak.
    — Ne t’inquiète pas, ils te voient, a lancé une voix.
    C’était l’homme qui marchait derrière nous. Sa carriole
    pleine à ras bord était ficelée à ses épaules. J’avais croisé ce
    visage à la fête d’anniversaire.
    — Je te présente mon père, a dit Janina.
    — Ils ne me regardent pas, ai-je insisté en m’adressant à
    l’homme.
    Sa charrette craquait et vibrait.
    — Ils ont peur de toi, m’a-t-il expliqué.
    — Personne n’a peur de moi ! me suis-je esclaffé.
    — Ne te moque pas de mon père ! m’a grondé Janina. S’il dit
    qu’ils ont peur de toi, c’est vrai.
    J’ai levé la tête vers lui. Comme les autres, il fixait l’horizon.
    Ses grands yeux étaient noisette, pareils à ceux de Janina.
    — Pourquoi ont-ils peur de moi ?
    — Parce que tu n’es pas juif, tiens ! a pipé Janina avant lui.
    Des gens effrayés par moi, ça me dépassait. J’ai pris ma
    saucisse.
    — T’en veux ?
    — Non ! a crié une femme.
    Trop tard. M’arrachant la saucisse, Janina a mordu un bon
    coup dedans. Elle l’a ensuite tendue à son père. Il l’a contemplée
    un moment avant de se décider à en croquer un morceau. Puis il
    l’a offerte à la dame, mais elle a secoué la tête. Une autre main a
    surgi et s’en est emparée. Le bonhomme a tout mangé.
    — C’est mon oncle Shepsel, m’a appris Janina. Il vit avec
    nous.
    — Laisse-moi porter ça, ai-je dit en montrant le sac.
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    Elle a tout de suite accepté. Une fois déchargée de son
    fardeau, elle s’est éloignée en gambadant. J’ai balancé le sac sur
    mon épaule. Son poids a failli me renverser.
    — Qu’est-ce qu’il y a, là-dedans ? me suis-je exclamé.
    Janina est revenue vers moi en sautillant.
    — Mes objets préférés. Sauf ma trottinette. Maman n’a pas
    voulu que je la prenne.
    Elle a lancé un regard noir à la dame.
    — Il te plaît ? ai-je demandé en tendant le doigt sur son
    brassard.
    — Tobiasz… a commencé la mère de Janina.
    — Qu’est-ce que ça peut faire ? l’a interrompue le père de
    Janina. C’est lui. Le petit gars.
    — Je sais. Le voleur.
    — Qu’est-ce que ça peut faire ?
    Tout à coup, à l’avant du défilé, un bruit a retenti. Les roues
    ont grincé plus fort.
    — Vite… Vite…
    En grognant, le père de Janina a tiré sur son harnais jusqu’à
    se retrouver presque le nez par terre. La parade des juifs
    accélérait. Des casseroles tombaient, résonnant comme de
    funèbres sonnettes de trolley. Les gens hurlaient. Les gens
    couraient.

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16

    — Un placard ? s’est étonné Youri.
    — Un placard, ai-je confirmé.
    Du pied, j’ai tracé dans la poussière une ligne qui coupait en
    deux notre stalle.
    — Grand comme ça. C’est ce qu’a dit oncle Shepsel. « On vit
    dans un placard », qu’il a dit.
    Je lui parlais de ma journée. Je lui ai raconté que j’avais
    rencontré Janina et sa famille, et que tout le monde se
    dépêchait de rejoindre le ghetto, et c’était comme ça que je
    savais que c’était un endroit drôlement chouette. Je lui ai
    raconté que nous étions arrivés dans une cour, une place en
    terre battue entourée par les hauts murs aveugles des
    immeubles, et que le père de Janina avait envoyé oncle Shepsel
    en avant (« Vite ! Vite ! »), qu’oncle Shepsel s’était précipité
    dans une des maisons et avait grimpé les escaliers quatre à
    quatre, que Janina et moi l’avions suivi mais j’étais le dernier à
    cause du sac, et qu’oncle Shepsel s’était planté sur le seuil d’une
    pièce, au quatrième étage, jusqu’à ce que la mère et le père de
    Janina nous rejoignent en haletant. Puis nous étions
    redescendus, avions déchargé la carriole et avions monté les
    affaires là-haut, et il avait fallu deux ou trois personnes pour
    transporter certaines choses, mais quelqu’un était resté planté
    sur le seuil de la chambre tout le

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