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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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temps, et la maison était « une
    maison de fous » – c’est ce que la mère de Janina avait déclaré,
    « une maison de fous » – parce qu’il y avait des tas de gens qui
    faisaient comme nous, sauf qu’il n’y avait qu’un escalier et une
    personne plantée sur le seuil de chaque pièce.
    Quand tout avait été installé, le père de Janina et oncle
    Shepsel avaient cassé la carriole à coups de marteau et de pied
    et avaient monté les éclats de bois gris là-haut, même les roues.
    Une fois tout fourré dans la chambre, le père de Janina avait
    refermé la porte, et c’est alors qu’oncle Shepsel s’était exclamé :
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    — On vit dans un placard !
    J’ai aussi rapporté à Youri ce qui s’était passé quand j’étais
    parti. Janina avait voulu descendre dans la cour avec moi, mais
    sa mère le lui avait défendu. Alors, elle m’avait accompagné sur
    le palier, elle m’avait dit : « Attends », et elle était retournée
    dans la pièce. Lorsqu’elle était revenue, elle souriait.
    — Ferme les yeux et tends la main.
    J’avais obtempéré. Avais senti quelque chose dans ma
    paume.
    — Ouvre !
    C’était un bonbon, une ganache fourrée à la noisette. Enfin,
    juste la moitié d’une ganache – même la noisette avait été
    coupée en deux.
    — Je ne savais pas que c’était une ganache jusqu’à ce que je
    morde dedans, m’avait-elle expliqué. Je l’ai gardée pour toi.
    Je l’avais mangée. Ça faisait sacrément longtemps. J’avais
    même cru que je n’en mangerais plus jamais. Janina n’arrêtait
    pas de sourire. J’avais dévalé les escaliers en courant.

    Quand je suis retourné au ghetto, un mur de briques en
    barrait l’accès. Des hommes étaient en train de le construire. Il
    était trois fois haut comme moi. Je l’ai longé jusqu’à ce que
    j’arrive à une section inachevée, où il n’y avait que deux rangées
    de briques. Je l’ai enjambé. Quelqu’un a crié. J’ai déguerpi.
    Courir n’était pas facile, parce que je portais de nouveau un
    gros sac. Cette fois, il était bourré de victuailles. En pleine
    époque des récoltes, le butin était bon pour qui était leste et
    rapide.
    J’ai retrouvé la maison. Elle était située rue Niska. J’ai
    grimpé les escaliers. Ai frappé à la porte.
    — Qui est là ? a grommelé une voix.
    — Misha Pilsudski.
    J’ai entendu un cri de joie, puis le fracas des verrous qu’on
    tirait. Le battant s’est ouvert en grand. Janina a levé les mains
    au ciel.
    — Misha !
    Sa mère était allongée sur un matelas, dans un coin de la
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    pièce. Ouvrant un œil, elle a marmonné :
    — Encore toi !
    — Qu’est-ce que c’est ? a demandé Janina en montrant le
    sac.
    Oncle Shepsel a claqué la porte et l’a verrouillée.
    — Des provisions, ai-je annoncé.
    Il y avait une table carrée au milieu de la chambre. J’y ai
    laissé tomber mon fardeau.
    — À manger ! s’est écriée Janina en tapant des mains.
    Des navets et des pommes ont roulé par terre. J’avais
    apporté des bottes de carottes et de céleri, des miches de pain,
    des pots de confiture et de mélasse, des sacs de sucre et des
    chapelets de saucisses. Tout le monde s’est rassemblé autour de
    la nourriture. Même la mère de Janina s’est levée.
    — Où as-tu eu tout ça ? a demandé son père.
    — Un peu partout.
    — Sale petit voleur aux pieds agiles ! a rigolé oncle Shepsel
    en cassant une carotte en deux.
    La mère de Janina a ouvert un sac couvert de poussière
    blanche. Elle y a plongé le doigt. A goûté.
    — De la farine de boulanger. Il faut un four pour cuire du
    pain. Où est-ce qu’il voit un four, ici ?
    Regagnant son matelas, elle s’est recouchée, face au mur.
    — Je me souviens… des fours, a-t-elle murmuré entre deux
    quintes de toux. J’en ai eu un… une fois. Quand j’étais encore un
    être humain.
    Oncle Shepsel l’a regardée avec des yeux tristes.
    — Il était une fois… a-t-il chantonné.
    — Il y a un mur, dehors, ai-je dit. Pourquoi il y a un mur ?
    — Pour empêcher la racaille de venir, a ricané oncle
    Shepsel.
    — Comment es-tu entré ? a demandé Janina.
    Je lui ai expliqué que j’avais trouvé un passage dans le mur
    et que je l’avais enjambé, tout simplement.
    — Rien ne m’arrête, ai-je ajouté.
    Ce n’était pas de la vantardise. Juste un constat. J’en étais
    arrivé à adorer ma petitesse, ma vitesse, mon adresse. Parfois, je
    m’envisageais comme un insecte

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