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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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nous
    sommes égaillés comme des cafards, mais les Bottes Noires
    étaient partout. L’un des nouveaux garçons a sauté par la
    fenêtre. Abattu en plein air, il s’est écrasé au sol, telle une
    poupée de son.
    Ils nous ont escortés jusqu’au ghetto. Depuis qu’ils avaient
    achevé le mur de briques – au sommet garni de fil barbelé – je
    n’avais pas pu rendre visite à Janina. J’avais pris ça pour une
    insulte personnelle et un défi. Jamais encore on ne m’avait
    interdit l’accès à un des endroits où je désirais me rendre, et je
    n’avais pas douté que je finirais par trouver la solution très
    bientôt. Devoir remercier les Bottes Noires pour m’avoir facilité
    les choses ne me rendait pas très fier, cependant.
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    Et puis, autre chose me préoccupait. Youri. Il n’était pas
    avec nous. Lorsque les Bottes Noires nous avaient tirés du lit,
    dans l’écurie, il n’avait pas été là non plus. Ce n’était pas
    surprenant. Ces derniers temps, il disparaissait souvent, parfois
    plusieurs jours d’affilée. Grâce à ses cheveux roux et à son air je-
    suis-d’ici-donc-je-suis-invisible, il était sûr de passer pour un
    non-juif. Il n’avait pas peur de se balader dans la rue. Il se
    croyait aussi beaucoup plus malin que les Bottes Noires.
    Je savais toujours quand Youri s’apprêtait à filer. Me
    cognant gentiment le menton, il murmurait entre ses dents :
    « Si jamais j’apprends que… » C’était sa manière de me signifier
    qu’il avait confié à l’un des gars la tâche de lui rapporter toute
    imbécillité ou bêtise que je commettrais. Il aurait été surpris
    d’apprendre que je tenais vraiment compte de ses
    avertissements, dans la mesure de mes possibilités, s’entend.
    Sans parvenir à me l’expliquer, je me sentais plus libre d’être un
    imbécile ou un bêta en sa présence.
    Pas un instant, je ne m’inquiétai pour lui. J’étais convaincu
    qu’il savait tout sur tout et pouvait se sortir de n’importe quelle
    situation. Mais, poussé dans le dos par les fusils des Bottes
    Noires, je me suis interrogé. Où était-il ? Que fabriquait-il ? Que
    penserait-il lorsqu’il retournerait à l’écurie déserte ? Je me suis
    demandé s’il nous trouverait. Me suis dit que oui.
    Plutôt que d’utiliser le trottoir, les Bottes Noires nous ont
    obligés à marcher au beau milieu de la chaussée. Les charrettes
    à cheval et les automobiles s’écartaient devant nous. Les gens
    nous observaient.
    Un vrai défilé ! Sauf que, cette fois, les spectateurs ne sont
    pas restés silencieux.
    — Bon débarras, les petits morveux !
    — Collez-les de l’autre côté du mur !
    — Sales juifs !
    Je n’ai pas pris la peine de leur répliquer que j’étais même
    pas juif.
    À un moment, nous avons suivi les rails du tramway.
    Soudain, un tramway est apparu, roulant droit sur nous. Nous
    avons hésité. Les Bottes Noires ont braillé un ordre. Nous avons
    continué à avancer. Nous ne nous sommes pas arrêtés. Le
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    tramway, si. Claquant et cliquetant, il a commencé à reculer, et
    c’est ainsi que nous avons poursuivi notre chemin, le tramway
    reculant devant nous qui marchions au pas.
    Nous n’avons pas tardé à bifurquer et nous sommes
    retrouvés face au mur. Il s’étendait à l’infini, à droite comme à
    gauche. Les briques étaient rouges, le ciel d’un bleu lumineux,
    les pointes du fil barbelé étincelaient comme les boucles
    d’oreilles d’une dame. Un oiseau jaune s’est posé sur un délié
    des barbelés, quelques instants seulement, puis s’est envolé.
    Il y avait une barrière. Le garde l’a ouverte. Nous l’avons
    franchie. Les Bottes Noires, non. L’un d’eux s’est incliné bien
    bas. Je n’ai pas compris qu’il se moquait de nous. Je lui ai
    retourné sa révérence. D’un bon coup de pied aux fesses, il m’a
    envoyé m’étaler par terre. La barrière s’est refermée
    bruyamment.
    J’ai aussitôt filé chez les Milgrom. Quand Janina a ouvert la
    porte, je lui ai annoncé :
    — Je vis dans le ghetto, maintenant !
    — Un nouveau voisin. Exactement ce dont on avait besoin, a
    commenté oncle Shepsel.
    Ne voyant ni la mère ni le père de Janina, je lui ai demandé
    où ils étaient. Elle m’a répondu que son père avait été enrôlé
    dans une équipe de travail et emmené hors de la ville. Sa mère
    cousait des uniformes pour les Bottes Noires dans une usine de
    Varsovie. Seuls ceux qui avaient un permis

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