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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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rôtis. J’en ai
    mangé un et ai porté l’autre chez Janina. J’avais enfoncé ma
    prise dans ma poche pour que personne ne me la dérobe. Il n’y
    avait que Janina et oncle Shepsel, dans la chambre. M. Milgrom
    était au camp de travail, comme d’habitude. Mme Milgrom, à la
    fabrique d’uniformes des Bottes Noires.
    Tirant le rat de ma poche, je l’ai brandi sous leur nez par
    une patte.
    — Je vous ai apporté un écureuil, ai-je annoncé.
    — Non seulement tu pues, a rigolé oncle Shepsel, mais en
    plus tu es un imbécile. Ce truc est un rat, a-t-il ajouté en
    donnant une pichenette à l’animal qui s’est balancé entre mes
    doigts.
    Janina m’en a débarrassé. Elle a fait la grimace à oncle
    Shepsel.
    — C’est un écureuil ! a-t-elle protesté. Je vais le garder pour
    maman et papa. Oncle Shepsel a toussé. Il a cherché des yeux
    un endroit où cracher. S’est soulagé par terre.
    — Papa te l’a interdit ! s’est exclamée Janina en lui donnant
    une tape sur le bras. Crache par la fenêtre.
    — Ta mère et ton père savent reconnaître un rat, a répondu
    oncle Shepsel. Ils refuseront d’y toucher.
    — C’est un écureuil ! s’est entêté Janina en tapant du pied.
    Ils le mangeront. Ils ont faim.
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    — Moi aussi.
    Sur ce, oncle Shepsel a arraché la bestiole des mains de
    Janina. Cette dernière s’est aussitôt jetée dessus. Ils ont tiré
    chacun de leur côté, Janina agrippée aux petites pattes avant,
    oncle Shepsel aux pattes arrière. Ils grognaient, leurs yeux
    lançaient des éclairs. Le rat s’est déchiré en deux. Janina a
    titubé et est tombée sur les fesses. Le temps qu’elle se relève,
    oncle Shepsel dévorait sa part. Elle a essayé de la lui reprendre,
    mais il était trop grand. Il la tenait à distance avec de grands
    moulinets tout en mâchonnant.
    J’étais là quand la mère de Janina est rentrée du travail. La
    joie s’est dessinée sur son visage lorsque sa fille a crié :
    — Maman ! À manger !
    Ses traits ont changé lorsqu’elle a compris de quoi il
    s’agissait.
    A son retour, M. Milgrom a jeté un coup d’œil à la pauvre
    moitié de carcasse. Secouant la tête avec tristesse, il a dit :
    — Non… pas maintenant.
    Il s’est dirigé vers le matelas et s’est allongé à côté de sa
    femme. Janina s’est mise à pleurer. Elle a balancé le rat par
    terre et, d’un bon coup de pied, l’a envoyé vers oncle Shepsel.
    Celui-ci l’a ramassé. Quand je suis parti, il en essuyait la
    poussière.
    Le lendemain, j’ai commencé à longer le mur. Jusqu’alors,
    je n’avais pas accordé beaucoup d’importance à l’autre côté.
    Maintenant, je pensais : « Il y a à manger, là-bas. Autre chose
    que des rats. » Les barrières étaient gardées par des Bottes
    Noires et des Bouses.
    L’enceinte était trop haute pour qu’on l’escalade. En
    admettant qu’on y parvienne, son sommet était de toute façon
    encombré de boucles barbelées et d’éclats de verre. Toute la
    journée, j’ai marché et cherché, marché et cherché. Enfin, j’ai
    repéré quelque chose. Pas très loin de la fabrique d’uniformes.
    Un trou. Accessible. De la taille de deux briques. Je ne le savais
    pas encore, mais il s’agissait d’un conduit d’évacuation
    quelconque. Ils n’avaient pas songé que quelqu’un arriverait à
    se glisser dans un espace large de deux briques.
    Je suis parti. Suis revenu à la nuit tombée. Me suis faufilé
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    dans le passage en un clin d’œil. Me suis retrouvé de l’autre
    côté.

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    Je m’étais attendu à revenir avec tant de provisions que je serais
    obligé de les pousser les unes après les autres dans le conduit.
    Mais je n’ai trouvé que du poisson en conserve. Lorsque j’ai
    rampé à travers le trou, le bocal est tombé et s’est brisé. J’ai
    ramassé les morceaux. Les ai brossés. En ai mangé un. Ai fourré
    le reste dans mes poches. Puis je suis allé droit chez les
    Milgrom.
    Oncle Shepsel m’a accueilli avec ses salutations habituelles :
    — Tiens ! Le petit rat puant !
    Dehors, il faisait sombre mais, cette nuit-là, il y avait de
    l’électricité. Une ampoule nue pendait à un cordon accroché au
    plafond. Mme Milgrom était allongée sur le matelas. M.
    Milgrom était installé à la seule table, assis sur l’unique chaise,
    traficotant ses cachets et ses flacons. Une grande trace de coup
    violette marquait le côté de son cou. On aurait dit une
    aubergine.
    Janina

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