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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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M’est parvenu un bruit de
    coup sourd – vlan !
    — comme si on cognait sur du bois. Me penchant, j’ai tenté
    de regarder au-delà de la colonne de gens qui me bouchaient la
    vue. M. Milgrom m’a sèchement remis à ma place.
    — Fixe ! a vociféré un soldat.
    Je commençais à capter le message – il était vital de ne pas
    bouger. Quelqu’un, devant, avait sans doute désobéi. J’ai relevé
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    le défi. « Tu veux du garde-à-vous ? Je vais t’en donner, moi, du
    garde-à-vous. » J’avais observé bien des Bottes Noires à la
    revue, figés, aux ordres. Je me suis raidi. Ai claqué des talons.
    Relevé le menton. Me suis concentré sur le dos devant moi. Leur
    ai donné le meilleur garde-à-vous de tous les temps. Comme les
    hurlements se poursuivaient, j’en ai conclu que les autres
    n’étaient pas aussi doués que moi pour l’exercice.
    Le dos que je fixais était vert. Une dame en manteau vert.
    La neige tombait toujours. Parfois, un flocon me chatouillait le
    nez. Je n’ai pas bronché. N’ai pas cillé. Ai à peine respiré. Flocon
    après flocon, les épaules vertes de la dame ont tourné au blanc.
    Quelque part à l’avant, un bébé s’est mis à pleurer. Puis un
    autre, sur la droite. Et encore un autre. Plus les bébés
    braillaient, plus les lumières étaient aveuglantes.
    — Maudits juifs !
    — Sales porcs !
    Vlan ! Vlan !
    Les Bottes Noires et les Bouses arpentaient les colonnes,
    beuglant au visage des gens, leur enfonçant matraques et fusils
    dans les côtes, leur crachant à la figure. Un Bottes Noires s’est
    arrêté devant Mme Milgrom. Je le voyais du coin de l’œil. Il lui a
    crié dessus. Elle est tombée.
    — Debout, chienne de juive ! Sale truie ! Debout ! a-t-il
    aboyé.
    — S’il veut qu’elle se relève, ai-je réfléchi, pourquoi est-ce
    qu’il lui donne des coups de pied et de matraque ? Ça me
    dépassait. Finalement, M. Milgrom a réussi à la remettre sur ses
    pieds.
    Le Bottes Noires est passé devant moi et Janina. Je crois
    qu’il m’a regardé, mais je n’ai pu distinguer ses traits à cause
    des projecteurs éblouissants dirigés droit sur moi. Un instant,
    j’ai ressenti une bouffée de fierté, comme s’il avait épinglé une
    médaille sur mon torse pour avoir exécuté un si magnifique
    garde-à-vous.
    Une fois devant oncle Shepsel, il a grondé :
    — Ouvre la bouche !
    Oncle Shepsel a gémi. Il a dû obéir, car j’ai deviné le canon
    d’un fusil qui s’avançait. Ça a été plus fort que moi. J’ai tourné
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    la tête pour regarder. Le fusil est entré dans la bouche d’oncle
    Shepsel, s’y est enfoncé. Oncle Shepsel a reculé, bousculant la
    dame derrière lui, laquelle à son tour est tombée sur l’homme
    qui se tenait derrière elle, et ainsi de suite, si bien que toute la
    colonne s’est cassé la figure. Le Bottes Noires a éclaté de rire.
    J’ai vite repris ma position. Je n’avais pas envie que pareil
    incident m’arrive.
    Dès le début, j’avais deviné que la dame en manteau vert
    allait avoir des ennuis. Son garde-à-vous était déplorable. Elle
    vacillait de droite à gauche, sa tête s’affaissait brusquement
    parfois, et ses épaules étaient loin d’être droites. Un Bottes
    Noires s’est approché d’elle. Lui aussi avait dû remarquer son
    piètre maintien. La matraque s’est abattue. Vlan ! Puis un
    deuxième coup en pleine poitrine. La neige s’est envolée de son
    manteau, me saupoudrant le visage. Le Bottes Noires s’est
    éloigné. Pourvu qu’il ait remarqué que je n’avais pas flanché,
    moi !
    Les épaules de la dame se sont rapidement recouvertes de
    neige. Maintenant, elle ne tenait plus du tout sa tête droite. Elle
    reniflait. Lorsqu’un deuxième Bottes Noires, plus tard, s’est
    approché d’elle, il lui a lancé :
    — Sale truie ! Tu me répugnes ! Tu pues autant qu’une
    porcherie !
    Il l’a frappée à son tour, envoyant valser une fois encore de
    la neige. Tout à coup, c’était comme si tous les Bottes Noires
    disaient aux gens à quel point ils dégageaient une odeur infecte.
    Ils se pinçaient le nez. Ça m’a choqué. Je pensais être le seul à
    sentir mauvais.
    J’ai reniflé. J’ai pris conscience des relents qui émanaient de
    la foule. Des cris apeurés et des geignements étouffés qui
    résonnaient autour de moi. J’ai identifié l’odeur. En dépit de ce
    qu’affirmaient les Bottes Noires, il n’y avait aucun cochon dans
    la cour. Et

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