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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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a-t-elle braillé.
    Me prenant par la main, elle m’a entraîné en courant en
    direction de la boutique bombardée d’un glacier. Deux murs
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    étaient encore debout. Sur l’un d’eux, un tableau de guingois –
    représentant une vache.
    Elle me jouait souvent pareils tours. Une fois, elle m’a
    persuadé de lui prêter ma pierre jaune. Elle l’a portée des jours
    et des jours. Quand je lui ai demandé de me la rendre, elle l’a
    jetée pardessus le mur. J’en suis resté comme deux ronds de
    flan.
    J’étais si furieux que j’ai balancé de l’autre côté de l’enceinte
    le sac renfermant les cadeaux qu’elle avait autrefois laissés sur
    le perron pour moi.
    Elle a fait prendre le même chemin à ma casquette.
    Elle avait apporté de sa maison d’avant un animal en
    peluche – un cochon bleu et doré. Elle l’a caché. Je l’ai trouvé.
    Hop ! Hors du ghetto.
    Elle a dit stop. A assuré que, même si j’avais jeté ses affaires,
    elle allait m’offrir quelque chose. Je l’ai crue. Je n’étais pas très
    fier de moi. Elle a annoncé que mon nouveau cadeau se trouvait
    déjà sous le pardessus qui me servait de lit. J’ai regardé. C’était
    un os de rat.
    Elle aimait m’embêter jusqu’à ce que je lui coure après. Que
    j’accepte ou non, elle s’enfuyait quand même. Si je ne la
    pourchassais pas, elle se retournait, m’adressait un pied de nez
    et me traitait de Misha Pipi de Chat. Je n’ai pas eu besoin qu’elle
    me pousse beaucoup la fois où elle a laissé tomber par la fenêtre
    un navet cru sur ma tête. Ramassant le légume dans la
    poussière, je l’ai enfoui dans ma poche et me suis rué sur elle.
    Quand je l’ai rattrapée, je l’ai secouée comme un prunier en lui
    interdisant de jouer ainsi avec la nourriture. Comme elle me
    ricanait au nez, j’ai frotté le navet sur sa figure en la secouant
    encore plus, toujours plus. Plus je la malmenais, plus elle riait.
    J’en suis arrivé à m’habituer à un tel point à son vacarme –
    bavardages, plaintes, harcèlements, rires, pleurs – que mon
    oreille continuait à l’entendre, même lorsqu’elle se taisait. Un
    jour bien particulier, j’ai eu le sentiment que quelque chose ne
    tournait pas rond, sans arriver à savoir quoi. Je n’ai pas compris
    que c’était l’absence de Janina. Je l’avais à peine entendue de la
    journée, à peine vue. Ce soir-là, comme d’ordinaire, toute
    activité s’est arrêtée. L’ampoule ne s’allumait plus, désormais.
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    Quand la lumière du jour s’éteignait, la nôtre aussi. On ne
    frappait plus à la porte pour demander des cachets et des
    potions à M. Milgrom. Oncle Shepsel refermait son livre pour
    apprendre à devenir protestant. Mme Milgrom n’avait pas
    besoin d’interrompre ce qu’elle faisait, car elle ne faisait rien du
    tout. De jour comme de nuit, elle gisait sur le matelas, face à la
    cloison. Elle ne bougeait que pour tousser.
    En général, Janina continuait à jouer au mikado dans le
    noir – se fiant à son sens du toucher – jusqu’à ce que son père
    l’appelle. Alors, elle arrêtait et venait se coucher près de moi,
    sur le manteau. Ce soir-là, cependant, elle était déjà allongée
    quand je suis allé dormir. Je logeais quasiment tout le temps
    avec ma nouvelle famille, maintenant. M. Milgrom nous
    souhaitait toujours une bonne nuit, d’abord à Janina, puis à
    moi. Je guettais ce moment, car personne ne m’avait jamais
    souhaité bonne nuit. Ce soir-là, quand il a dit « bonne nuit » à
    Janina, il n’a pas obtenu de réponse.
    Comme d’ordinaire, j’ai attendu que tout le monde
    s’assoupisse. J’aimais procéder ainsi. J’aimais croire que si l’on
    m’entendait sortir on m’en empêcherait. Je me suis levé. Me
    suis glissé en catimini hors de la pièce. La routine de presque
    toutes mes nuits. J’ai descendu l’escalier sur la pointe des pieds.
    Ai rejoint la cour puis la rue éclairées par la lune. Mon instinct
    me dictait d’être audacieux, impossible à atteindre, mais
    j’aimais aussi jouer les furtifs.
    Les rues paraissaient désertes, même si je savais qu’elles ne
    l’étaient pas. Quelque part le long du mur, Gros Henryk se
    dressait de toute sa taille, Kouba sur ses épaules. Kouba qui
    posait deux manteaux épais sur les fils de fer barbelé. Grimpait
    pardessus. Passait de l’autre côté. Renvoyait la corde avec
    laquelle Gros Henryk le hisserait à son retour.
    Sous mes pieds, dans

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