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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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fermée,
    naturellement. Il y avait plusieurs fenêtres au niveau du sol,
    leurs vitres protégées par des barres d’acier.
    Je me suis agenouillé devant un des soupiraux. L’ai ouvert.
    Ai retiré mon manteau et l’ai jeté à l’intérieur. Me tournant sur
    le flanc, je me suis tortillé entre deux barreaux et suis tombé
    dans la cave mal éclairée, tête la première. Ce n’était pas ça qui
    allait m’arrêter. Je vivais dans les fissures d’un monde conçu
    pour des gens gros et lents.
    Je me penchais pour ramasser mon manteau, lorsque celui
    de Janina a rebondi sur mes fesses. Elle-même a dégringolé à la
    suite, dans un tourbillon de sous-vêtements.
    — Ouille ! a-t-elle couiné.
    — Chut ! lui ai-je ordonné. Tu aurais dû rester à la maison.
    Tirant un sac de ma poche, je l’ai défroissé.
    — C’est pour quoi ? a demandé Janina.
    — La nourriture.
    — J’en ai pas, moi.
    — Tant pis pour toi.
    — Où sont les œufs marinés ?
    — Y en a pas.
    Alors que j’ignorais complètement à quoi ressemblait un
    œuf mariné.
    D’un revers de la main, Janina a envoyé une grande boîte de
    café se fracasser par terre.
    119

    — Arrête ça ! ai-je grondé en agitant mon poing sous son
    nez. Ils vont nous entendre.
    — Je te déteste ! a-t-elle rétorqué en relevant le menton.
    — Je te déteste aussi.
    — Très bien !
    En tapant des pieds, elle a disparu entre les étagères, à la
    recherche de ses œufs marinés.
    De mon côté, j’ai entrepris ma ronde. Le cellier de l’hôtel du
    chameau bleu présentait un inconvénient : la plupart des
    provisions étaient stockées en bocaux et conserves trop gros et
    trop lourds pour les emporter. Du coup, je me concentrais sur
    des choses plus petites et légères. Il y avait des cageots
    d’oignons, de laitues, de navets, de choux. Il y avait des boîtes
    de gâteaux secs, des piles de miches, pain blanc et noir
    confondu. Il y avait de vieux poissons séchés, des gelées, des
    patates germées et comme emperruquées d’herbe. J’évitais la
    chambre froide contenant la viande, car nous n’avions aucun
    moyen de la cuisiner, mais les chapelets de saucisses ridées
    étaient parfaits.
    Mon sac rempli, c’était l’heure de mon petit plaisir égoïste.
    Bien que les bocaux de fruits et de légumes soient trop
    encombrants pour que je les porte, qui m’interdisait de me
    servir, ici, en plein cellier ? D’un recoin poussiéreux, j’ai tiré ma
    conserve personnelle de pêches au sirop. Elle était presque aussi
    grosse que moi. Dévissant le couvercle, j’ai pris un des fruits.
    — C’est quoi ? a lancé la voix de Janina par-dessus mon
    épaule.
    — Ce à quoi ça ressemble.
    J’ai gobé ma pêche.
    — J’en veux une.
    Elle a tendu la main. Je lui ai donné une tape.
    — Pas touche ! C’est à moi.
    Serrant les poings, elle a reculé et hurlé :
    — J’ai faim !
    Prenant une deuxième pêche, je la lui ai collée dans la
    bouche.
    — Tiens.
    J’ai vite refermé le bocal. Je le remettais à sa place
    120

    lorsqu’une porte s’est ouverte, laissant passer un flot de lumière.
    Des pas ont retenti dans l’escalier, se sont arrêtés à la moitié des
    marches.
    — Il y a quelqu’un ?… Il y a quelqu’un ?…
    Nous nous sommes accroupis près des fruits en conserve,
    les joues gonflées par nos pêches, le jus dégoulinant sur nos
    mentons.
    — Il y a quelqu’un ?…
    Enfin, les pas sont repartis, la porte s’est refermée. Poussant
    une caisse sous la fenêtre, j’ai grimpé dessus. J’ai balancé le sac
    – puis moi-même – à travers les barreaux. Même debout sur la
    pointe des pieds, Janina n’atteignait pas le rebord. J’ai dû la
    hisser dehors.
    Nous sommes rentrés – moi, trimballant le sac sur mon
    épaule – en prenant garde d’éviter les endroits éclairés et
    fréquentés jusqu’à la course finale sous la lune pour atteindre le
    trou dans le mur et nous glisser de l’autre côté. Nouveau sprint
    sous la lune, puis retour dans les pénombres protectrices.
    Je me suis dirigé vers l’orphelinat. Le docteur Korczak
    laissait toujours une fenêtre de derrière entrebâillée. La
    poussant, j’y ai déversé la moitié de mon butin.
    — Qu’est-ce que tu fais ? a demandé Janina.
    — Je nourris les orphelins.
    — C’est nous que tu es censé nourrir.
    J’en avais assez, de ses ronchonnements.
    — Je nourris qui je veux.
    Claquant la fenêtre, je suis rentré à la

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