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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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sorti de chez la dame Masson, il se dirigea vers la place de Grève, où il proposa à un ouvrier, qui attendait là qu’on vînt l’embaucher, de lui donner trois livres pour creuser un trou dans une cave qu’il avait dans le voisinage.
    L’ouvrier ayant accepté, Desrues l’emmena au Plat-d’Étain, muni d’outils convenables et l’introduisit dans la cave. Bien que nous n’y ayons vu introduire que deux objets, elle en contenait trois lorsque le faux du Coudray y pénétra avec son maçon : un quartaut de vin, une malle qui paraissait vide et un ballot soigneusement entouré de paille que Desrues dit à l’ouvrier contenir du vin d’Espagne. C’était ce ballot qu’il s’agissait d’enterrer, parce que, disait le propriétaire, le vin d’Espagne gagne rapidement en qualité lorsqu’il est dans la terre.  
    L’ouvrier se mit à l’œuvre.
    Pendant qu’il travaillait, Desrues, assis sur une des marches de l’escalier, le regardait faire, l’encourageant par toutes sortes de lazzis, lui versant force rasades, et assaisonnant sa belle humeur de quelques refrains grivois, enfin paraissant, dit cet homme dans sa déposition, un bon-compère.
    Lorsque le trou fut suffisamment profond, Desrues aida le maçon à descendre le ballot dans la fosse ; lorsqu’il s’agit de le recouvrir de terre, il mit la main à la besogne, comme un homme qui a hâte de voir se terminer l’ouvrage qu’il commande ; enfin, lorsque le trou fut comblé, il piétina dessus pour égaliser le sol, et cela en prenant toutes espèces de postures comiques et en les accentuant des grimaces les plus bouffonnes.
    Mes lecteurs ont certainement déjà deviné que c’était la malheureuse madame de la Motte, que le faux du Coudray avait transportée dans la grande malle, puis ensevelie dans le volumineux ballot qu’il enterrait à cette heure ; que c’était sur la tombe dans laquelle il comptait bien avoir enfermé à jamais le cadavre de sa première victime qu’il dansait avec une joie qui doit donner l’idée des instincts de ce cannibale.
    Il paya l’ouvrier et le conduisit jusqu’à la rue du Tourniquet-Saint-Jean, de façon à empêcher qu’il eût aucune communication avec les habitants de la maison du Plat-d’Étain, revint à sa cave avec un commissionnaire qui prit la malle vide et la porta chez un faïencier du quai des Miramiones, auquel M. de la Motte avait fait une commande de poterie ; la vaisselle emballée fut conduite au coche d’eau pour s’acheminer vers le Buisson-Souef.
    Desrues n’était encore qu’à la moitié de sa tâche, il lui restait à s’emparer de la proie qu’il avait convoitée, de la dépouille des deux êtres qu’il avait si audacieusement fait disparaître, et ce sera dans la seconde partie de son œuvre que nous le verrons déployer toutes les ressources de son génie d’intrigue.
    Il commença par répandre sourdement des calomnies qui expliquaient la disparition si subite, si inexplicable de madame de la Motte ; il insinue qu’elle n’est allée à Versailles que pour rejoindre, un ancien amant, et qu’elle est partie avec lui aussitôt qu’elle s’est trouvée nantie du prix du Buisson-Souef que lui, Desrues, a versé entre ses mains.
    En même temps, il produit pour la première fois un acte sous seing-privé, constatant la vente. définitive du Buisson, le payement de la somme de cent quatre mille livres que madame de la Motte déclarait avoir reçue en espèces ; il spécifiait l’annulation de tous engagements antérieurs contractés pour la même cause et il était signé par les époux Desrues et par Marie Perrier, femme Saint-Faust de la Motte.
    Cette troisième signature, comment Desrues l’avait-il obtenue ? Était-elle l’œuvre d’un faussaire ? L’avait-il extorquée à la mourante pendant les défaillances de cette triste agonie qui n’eut que l’empoisonneur pour témoin ? Ce point est resté un mystère que les débats n’ont pas éclairci.
    Mais, sur ces entrefaites, la liquidation de la célèbre succession Despleignes du Plessis avait enfin abouti. Tous les châteaux en Espagne, dont depuis tant d’années Desrues bernait la crédulité de ses créanciers, s’étaient fondus et résumés en une somme de vingt-quatre mille livres versée entre ses mains. Il pressentait que, lorsque les contestations qu’il prévoyait se produiraient, cette somme de vingt-quatre mille livres ne saurait justifier l’important versement qu’il

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