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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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la cruelle position que vont lui faire les torts d’une épouse coupable ; il va jusqu’à lui offrir sa bourse, jusqu’à s’engager devant les assistants à servir une rente de trois mille livres à ce bon M. de la Motte si cruellement dépouillé par sa femme adultère.
    Ce sublime de la fourbe auquel le génie de Desrues venait d’atteindre devait être inutile. Ses hommes de loi ne crurent pas pouvoir se passer de la procuration ; ils l’engagèrent à retrouver madame de la Motte dont la présence mettrait fin à tous ces tracas. Il le comprenait bien lui-même, et cette conviction lui inspira l’idée d’une nouvelle supercherie qui dépassait en audace toutes celles que nous lui avons vu mettre en œuvre.
    Revenu à Paris, il sent la terre qui brûle sous ses pieds. M. de la Motte y est arrivé presqu’en même temps que lui : il a vu sa famille, ses amis dont quelques-uns occupent de grandes positions dans la haute magistrature ; il va trouver aide et appui dans leur expérience et dans leur influence. Déjà, ils disent hautement que cette histoire de la fuite de madame de la Motte avec un amant est une fable ; une plainte en supposition de vente et en suppression de personnes est déposée au Châtelet ; Desrues n’a pas une minute à perdre ; il retrouvera madame de la Motte ! ! !
    Le 5 mars, il part pour Lyon dans un cabriolet de poste ; il y arrive le 7 à cinq heures du soir.
    Le lendemain, une dame d’une grande taille, vêtue d’une robe de soie noire avec une garniture et des agréments en chenille de couleur marron, d’un manteau de taffetas dont le capuchon lui couvrait tout le visage, se fit introduire dans le cabinet de M. Baron père, notaire, rue Sainte-Dominique. Elle lui dit qu’elle était madame de la Motte, de Villeneuve-le-Roi, près de Sens, qu’elle voulait envoyer à son mari, M. Saint-Faust de la Motte, écuyer du roi, une procuration à l’effet de l’autoriser à toucher les intérêts d’une somme de trente mille livres qui leur restait due sur la vente de leur domaine, et elle le pria de lui faire libeller cet acte.
    Le notaire exigea qu’elle produisît une autorisation maritale, et, à défaut de cette autorisation, qu’elle se fit accompagner de deux témoins domiciliés à Lyon. La dame se retira en annonçant qu’elle allait chercher ses témoins.
    Remontée dans le fiacre qui l’avait amenée, elle questionna le cocher et lui demanda l’adresse d’un autre notaire. Cet homme lui indiqua M. Pourra, place des Carmes, chez lequel elle lui demanda de la conduire.
    M. Pourra était absent, et ce fut sa femme qui reçut la visiteuse. La tournure de celle-ci était si étrange ; elle affectait si visiblement de cacher son visage en se tenant dans l’ombre, que madame Pourra l’examina avec une curiosité toute féminine. Elle paraissait avoir une quarantaine d’années ; sa peau était jaune, ses yeux petits, noirs et fuyants, sa bouche grande et ses lèvres minces. Introduite près du notaire, qui était rentré, elle lui présenta sa requête en s’appuyant de la recommandation de l’un des négociants les plus honorables de la ville.
    M. Pourra, moins difficultueux que son collègue, consentit à rédiger la procuration ; elle en demanda deux expéditions, se fit remettre l’une et chargea le notaire d’adresser l’autre à un M. Ségar, curé à Villeneuve-le-Roi, et parent de M. de la Motte.
    Cette pièce arriva à Villeneuve le 11 mars, et le curé s’empressa de l’envoyer au lieutenant-général de police.
    La manœuvre était si habile que la justice, qui avait déjà pratiqué une descente au domicile de Desrues, hésita et ne fut pas éloignée de croire à l’existence de madame de la Motte. Cependant, il était si extraordinaire que cette dame, qui n’hésitait point à fournir une indication qui pouvait mettre son mari sur sa trace, n’eût pas fait accompagner le paquet d’une lettre, que l’on donna l’ordre de s’assurer de la personne du petit épicier.
    Desrues fut arrêté le 13 mars. Du fond de sa prison, il s’agitait encore et n’avait point renoncé à l’espoir de gagner la partie. Sa femme qui avait obtenu la permission de le visiter, le secondait dans ces efforts suprêmes avec la soumission aveugle qu’il était parvenu à inspirer à la pauvre créature.
    Le 7 avril, un ami de M. de la Motte, M. Dubois, procureur au Parlement, recevait, par la poste, une lettre ainsi conçue :
    « Une dame de

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