Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
Vom Netzwerk:
père pour ne pas savoir cacher ses secrètes tendances et se taire ; mais les ardeurs passionnées du vieux maréchal l’avaient rendu perspicace. Il surprenait, des révélations d’opposition dans l’attitude, dans les sourires et dans le mutisme même de son fils, et, dans sa haine contre les idées nouvelles, il traduisait à livre ouvert celles qui pouvaient occuper l’esprit du jeune homme. Puis, comme il n’avait pas, pour garder le silence, les mêmes raisons que ce dernier, il ripostait, et toujours avec autant de violence que la première fois, à des propos dont Jean-Louis n’avait pas dit le premier mot. La modération ou la résignation de celui-ci ne parvenaient plus à le désarmer ; il s’habituait à le considérer bien moins comme un fils que comme un adversaire. Il avait pris goût aux âpres jouissances de la lutte. Un ennemi qui, sans se déclarer convaincu, se prosternait et embrassait ses genoux, n’était pas son affaire. Il fallait à son humeur batailleuse quelqu’un à terrasser à confondre, à abattre, et, comme les toréadors, il employait le fer et le feu, les allusions les plus acérées, les invectives les plus cuisantes pour le décider à montrer les cornes, allant, si la prudence de Jean-Louis rendait inutile ce luxe d’incitations, jusqu’à le menacer de se porter contre lui à des extrémités dont la seule pensée l’eût fait rougir, s’il avait eu sa raison.
    En vérité, ce n’était pas lorsque le feu flamboyant de la forge colorait de ses fantasques reflets les noires murailles de l’atelier, que la demeure de maître Mathurin Louschart avait avec l’enfer sa ressemblance la plus saisissante.
    Sur ces entrefaites, une circonstance inattendue vint compliquer la situation déjà si tendue, en augmentant le courroux de maître Mathurin contre son fils.
    Pressé par le déficit, toujours croissant et auquel on ne pouvait faire face qu’en créant de nouveaux impôts, le ministère avait convoqué la première assemblée des notables.
    Les notables avaient beaucoup discouru, mais ils s’étaient bien gardé d’étendre la main pour sauver la monarchie qui tombait ; ils s’étaient séparés en laissant le roi Louis XVI en proie aux doubles embarras que lui créaient les finances épuisées et l’opposition du Parlement à l’enregistrement de nouvelles taxes.
    Pour obéir aux nécessités économiques du moment, le roi opéra d’importantes réductions dans sa maison.
    On diminua de moitié les charges de la chambre et de la garde-robe. La grande et la petite écurie furent réunies. Les gendarmes, les chevau-légers et les gardes de la porte se trouvèrent supprimés, et la cavalerie de la maison du roi réduite aux seuls gardes du corps.
    Cette réduction irrita plus ceux dont elle froissait les intérêts qu’elle ne satisfit l’opinion publique qui, en fait de réformes, devenait gourmande.
    Maître Mathurin Louschart ne se trouvait qu’indirectement atteint par cette suppression, qui amoindrissait sa clientèle ; cependant nul de ceux qui avaient à en souffrir ne se montra aussi vivement affecté.
    Etait-il sollicité par le souci de ses intérêts, cédait-il à la véhémence de ses sentiments ? C’est ce dont il ne m’appartient pas de décider, mais toujours est-il qu’il accueillit cette nouveauté avec un désespoir, qui n’avait d’égal que dans l’exaspération qui lui succédait.  
    Pour lui, la grandeur de la monarchie ne pouvait se manifester autrement que par le nombre des chevaux qu’elle réunissait autour d’elle. Cette cavalerie, c’était l’attribut dont elle devait être le plus jalouse ; mieux valait laisser la couronne rouler dans la poussière que de renoncer au moindre des mulets de la bouche ! En songeant à la longanimité avec laquelle le roi se résignait à renoncer à la plus belle de ses prérogatives, ses yeux s’humectaient ; il levait vers le ciel ses mains noires et calleuses, et, comme si le voile qui dérobait l’avenir à ses yeux se fût déchiré, il répétait d’une voix lamentable : « Pauvre roi, où te conduira ta faiblesse ? »
    Mais ces attendrissements étaient trop antipathiques à sa nature violente pour se prolonger. Bientôt sa physionomie devenait menaçante, ses mains jointes se crispaient, il agitait son énorme poing à l’adresse de ceux dont l’esprit de révolte, dont les indécentes criailleries avaient provoqué cette incroyable mesure. En attendant que ce

Weitere Kostenlose Bücher