Métronome
l’archéologie. Lors du percement de la rue Monge, à partir de 1860, les ouvriers tombèrent sur des restes bien étranges en creusant le sol au niveau du 49, rue Monge… On mit au jour des travaux de maçonnerie, puis les recherches furent étendues sur un terrain proche acquis par la Compagnie générale des omnibus pour y construire un dépôt… Les arènes de Lutèce revenaient à la surface ! Mais la municipalité ne s’inquiéta guère de cette extraordinaire découverte. L’important était de créer une rue droite et large ! Dans cette folie de constructions, de remaniements, l’Antiquité n’avait pas droit de cité. Une partie fut bel et bien livrée aux pioches des démolisseurs. En fait, les arènes entières risquaient d’y passer…
C’est alors que Victor Hugo intervint. En 1883, l’auteur de Notre-Dame de Paris adressa cette lettre au Conseil municipal de la capitale : « Il n’est pas possible que Paris, la ville de l’avenir, renonce à la preuve vivante qu’elle a été la ville du passé. Le passé amène l’avenir. Les arènes sont l’antique marque de la grande ville. Elles sont un monument unique. Le Conseil municipal qui les détruirait se détruirait en quelque sorte lui-même. Conservez les arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix. Vous ferez une action utile et, ce qui vaut mieux, vous donnerez un grand exemple. » Le maître avait parlé. Le Conseil municipal vota les crédits nécessaires à l’aménagement d’un square dans les arènes. Cette promenade fut ouverte au public en 1896.
De telles arènes, si vastes et si belles, disent assez l’importance de Lutèce dans la Gaule romaine. En un siècle d’existence à peine, la ville est devenue une cité fort courue et très peuplée. Durant cet âge d’or, près de dix mille habitants se sont établis sur la seule île de la Cité, et la ville s’étend sur la rive gauche.
Sur la rive droite, en revanche, il n’y a pas grand-chose. Tout au loin, sur une colline dédiée à la foi – le futur Montmartre – se dressent un petit temple et quelques modestes habitations placées sous la protection des dieux. Mais cette rive est surtout un chantier ouvert et une réserve alimentaire. Dans les carrières, on cherche le limon qui sert à la fabrication des tuiles ; dans les champs, on plante le blé, on fait l’élevage des bovidés… Nous sommes dans l’envers du décor, le côté organisationnel de la ville, le fourre-tout qui permet la vie élégante et raffinée de l’autre côté du fleuve.
Dans cette ville nouvelle, bien des Gaulois ont, à l’image des Romains, abandonné les frêles huttes au toit de paille qui les abritaient dans l’ancienne Lutèce. Ici on construit solidement, richement parfois. Ville haute et ville basse commencent à se ressembler.
Car il y a Lutèce-la-Haute, sur les berges, où se sont établis essentiellement des Romains, et Lutèce-la-Basse, sur l’île, où sont groupés les Gaulois. Lentement, l’habitude viendra de nommer cette Lutèce-la-Basse Civitas Parisiorum , la cité des Parisii. On n’est plus très loin de « Paris »…
Que font-ils, ces Lutéciens de la ville basse ? Ils vivent essentiellement du fleuve, je l’ai dit. Et la plupart des métiers exercés sont en lien plus ou moins direct avec les eaux. Il y a ceux qui chargent et déchargent les bateaux, ceux qui transportent les ballots déposés ici par la voie fluviale, et bien sûr les indispensables pêcheurs, poissonniers, forgerons et commerçants.
Sur l’île, l’extension de la cité est évidemment limitée. C’est donc sur la rive gauche que l’on peut gagner de l’espace. Et les architectes romains y bâtissent une ville. Cette Lutèce-là n’a jamais été une ville gauloise. D’ailleurs, à la mode romaine, elle est abondamment approvisionnée en eau. C’est une nouveauté. Fini le temps où les Gaulois s’abreuvaient directement à la Seine !
Un bassin construit à une vingtaine de kilomètres au sud permet de fournir l’eau grâce à la pente douce d’un aqueduc. Quelques rares morceaux de cet aqueduc sont encore visibles, pieusement entreposés dans les réserves de Carnavalet (1, rue François-Truffaut 75012). En ville, l’eau coule dans un réseau de canalisations faites en terre cuite ou en plomb afin d’alimenter les fontaines et surtout les thermes. Ah, les thermes ! Ils sont pour les Romains, et donc pour les Parisii, la quintessence du luxe et du
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