Métronome
nourrit, c’est seulement deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, consentant à regret à satisfaire ce corps trop humain qui réclame et proteste.
L’annonce de l’arrivée d’Attila change le destin de Geneviève. En fait, Paris n’a pas vraiment besoin de saints ; avec Denis, Martin, Marcel et quelques autres, la ville en est déjà comblée. En revanche, on manque cruellement de figures valeureuses capables de bâtir une geste épique. La demoiselle au voile des vierges sera donc la première héroïne parisienne.
Dans l’effroi général qui saisit les habitants, seule Geneviève semble garder la tête froide. Avec la tranquille assurance de ceux que la foi apaise, elle sait que Dieu veille sur elle et sur toute la population. Elle invite les Parisiennes à venir prier en sa compagnie, elle leur parle d’Esther, personnage biblique qui, autrefois en Perse, sauva par ses supplications et son jeûne le peuple juif de l’extermination… Geneviève veut être l’Esther de Paris, le recours de toute une nation, le porte-étendard d’un petit peuple. Et les femmes la suivent. Elles se réunissent pour des prières en commun, elles jeûnent et implorent la Providence d’éloigner le fléau qui menace. Mais les hommes ricanent et insistent : il faut fuir, chercher un abri derrière les murs d’une ville mieux défendue…
— Que parlez-vous de vous réfugier en d’autres cités ? s’exclame Geneviève. Celles-ci seront-elles mieux que Paris abritées d’un coup de main des Barbares ? Grâce à la protection du Christ, Paris échappera au carnage.
— Fais silence, prophétesse du malheur ! hurlent quelques âmes noires.
Et les plus excités des Parisiens parlent maintenant de jeter Geneviève dans un puits, manière radicale de la faire taire. Mais voilà que l’archidiacre d’Auxerre entre dans la ville, vêtu de son manteau d’or, et jette sur tous le bon regard de celui qui pardonne la folie des peuples et les excès des hommes. Il est venu porteur d’un message : Germain, son évêque, s’est éteint en témoignant pour ses ouailles de l’élection christique de Geneviève, une garantie ecclésiastique en quelque sorte.
— N’allez pas, citoyens, commettre ce crime ! Celle dont vous projetez la mort, nous avons appris sur le témoignage de notre saint évêque Germain qu’elle avait été élue par Dieu dès le ventre de sa mère.
Quel souvenir nous reste-t-il du saint d’Auxerre qui sauva sainte Geneviève ?
À l’endroit de la rencontre entre l’archidiacre et les Parisiens en colère, seront créés un petit oratoire, puis une église, l’une des plus anciennes de la rive droite : Saint-Germain-l’Auxerrois, dédiée au protecteur de la future protectrice de Paris (dans le I er arrondissement, face au Louvre). La place de l’École rappelle qu’ici on instruisait les futurs chrétiens. L’église actuelle est beaucoup plus tardive, mais dans la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, les archéologues ont retrouvé de nombreux sarcophages de l’époque mérovingienne.
En entendant le message de l’archidiacre, les Parisiens sont convaincus : comment ne pas croire l’ultime parole du plus illustre des saints évêques de la Gaule ? Dans un mouvement unanime, chacun se rallie à présent à la courageuse diaconesse. La résistance s’organise rapidement, les ponts qui permettraient à la horde d’Attila de traverser la Seine sont rompus ou dressés d’obstacles. On s’arme, on se prépare, et l’on attend sans frémir le Barbare terrorisant.
Il n’y aura pas de bataille. Il suffit peut-être de croire au miracle pour que l’inespéré survienne… Attila sait-il qu’une défense s’organise à Paris ? Ou alors quelqu’un de bien inspiré lui a-t-il soufflé qu’une épidémie de choléra s’est déclenchée dans la ville ? Toujours est-il que le roi des Huns détourne son regard et ses troupes, s’éloigne des bords de Seine et épargne la ville.
Il se dirige vers Orléans : occuper cette cité lui assurerait la maîtrise des ponts sur la Loire, avec la perspective de vaincre l’Aquitaine. De son côté, au début de l’été de cette année 451, Ætius prend la tête d’une importante armée formée de Gallo-Romains, de Francs, de Wisigoths, de Burgondes, de Saxons, d’Armoricains, de Bretons. Tous les peuples de la Gaule se sont unis sous la bannière romaine pour repousser l’envahisseur asiatique.
Cette force
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