Métronome
Étienne est un prêtre de foi et de charité qui passe sa vie à visiter les pauvres et à faire bâtir des hospices pour les malades. Mais si le pontife n’entend rien encore aux arcanes de la diplomatie, les événements vont très vite se charger de lui imposer un cours de rattrapage.
En effet, Astolf, roi des Lombards, veut étendre son autorité sur toute l’Italie. Il exige du pape un somptueux tribut et menace Rome. Le protecteur naturel de l’Église, Constantin V, empereur romain d’Orient qui règne à Constantinople, estime avoir des tâches plus urgentes à mener que de voler au secours de la Ville éternelle. Il s’efforce de consolider son empire, envahit la Syrie et entend reconquérir Chypre. Les dangers encourus par Rome, son pape et ses habitants le laissent totalement indifférent.
Étienne II ne sait plus à quel saint se vouer. Qui donc va le protéger des appétits lombards ? Et tout à coup, il y pense : Pépin ! C’est vrai, il est roi grâce au pape précédent, et il se montrerait bien ingrat s’il n’apportait pas son aide au successeur de son bienfaiteur… Aussitôt, Sa Sainteté confie une lettre à un noble franc en pèlerinage à Rome. Dans sa missive, le pape demande au roi de lui envoyer une ambassade qui le convierait à se rendre en Neustrie. Cette invitation, à laquelle les Lombards ne peuvent s’opposer, permettrait au pape de sortir du traquenard que Rome est devenu pour lui.
Pépin voit aussitôt l’avantage qu’il peut tirer de la situation. En agissant finement, il se ralliera à jamais le Saint-Siège. Une double ambassade est donc dépêchée à Rome, et le pape peut alors quitter la Ville au sept collines, au grand affolement de la population qui se sent ainsi livrée aux armées ennemies. Sortir de Rome, quelle folie ! Jamais jusqu’ici on n’avait vu un pape déserter son palais de Latran pour entreprendre un aussi long voyage.
Au mois de décembre 753, Étienne II arrive dans le val d’Aoste, franchit les Alpes et s’arrête au monastère du Grand-Saint-Bernard, vaste bâtiment de pierres grises perdu dans l’immensité blanche du paysage. Bientôt, une délégation franque, conduite par l’abbé Fulrad, vient rejoindre le pape. Fulrad et les autres s’agenouillent respectueusement devant un Étienne tout ébloui de voir son autorité si bien reconnue et si pieusement célébrée.
Le pape et son escorte continuent leur route tandis que Pépin et la reine Berthe s’avancent dans sa direction… Ils se rencontrent au sud de la Champagne. Pépin galope vers le cortège pontifical, Pépin met pied à terre, Pépin se prosterne, Pépin implore la bénédiction apostolique. Cette opération de séduction atteint son objectif : le pape n’a que reconnaissance pour le roi des Francs.
Le lendemain, des discussions sont entamées entre les murs de la villa royale de Ponthion. Mais cette fois, le ton change : c’est Étienne qui s’agenouille devant le souverain, qui se tord les mains, qui pleure, qui supplie.
— Accorde-moi ton secours pour faire cesser l’oppression des Lombards, pour épargner aux Romains les tributs qu’Astolf veut leur imposer !
Pépin se montre plutôt flatté par le plaintif désarroi du pape. Ainsi donc, le pontife choisit de venir à lui plutôt que de s’en remettre à l’empereur de Byzance ! C’est lui maintenant, le roi des Francs, qui est garant de la pérennité de l’Église catholique romaine. Quelle promotion !
Alors oui, Pépin est prêt à négocier le retrait du roi des Lombards, il souhaite même que le Saint-Siège bénéficie désormais de territoires assez vastes pour se prémunir des attaques. La volonté royale et quelques habiles tractations suffiront-elles ? Sans doute pas, aussi le roi des Francs se déclare-t-il prêt à lever une armée afin de mener une expédition militaire.
Étienne, rasséréné, est aux anges, son trône pontifical et sa ville sont sauvés. Attention cependant, Pépin exige quelque chose en échange : un nouveau sacre conduit par Sa Sainteté en personne ! La cérémonie, qui imposerait définitivement le roi et ses fils devant toute la chrétienté, serait incontestable, inscrivant la lignée de Pépin dans un juste droit sanctifié par le Saint-Siège. Le pape accepte. De toute façon il n’a pas vraiment le choix.
En attendant d’organiser ce couronnement seconde manière, Étienne II refuse de retourner à Rome, pas tant pour des motifs politiques
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