Métronome
fiché dans son bras, on improvise un pansement, et le blessé reprend le combat. Toute la population parisienne participe à la bataille, les femmes préparent les charpies qui serviront à bander les plaies, les hommes luttent pied à pied ou apportent les pierres que l’on lancera sur l’assaillant. Des vocations se réveillent : l’abbé Ebles, qui a fui Saint-Germain-des-Prés, vient de jeter sa soutane aux orties pour se munir d’une solide cuirasse. Face aux Vikings qui évoluent en rangs serrés, l’abbé se révèle un archer de première force : on le voit percer six hommes d’une seule flèche !
Mais l’ennemi n’est pas à bout de ressources. Il sort de ses embarcations des machines faites de planches, de roues, de cordes, et bientôt ces engins au profil de monstre accroupi lâchent sur le Grand Châtelet une pluie de lourdes pierres. La tour tient bon. Mais un bateau s’approche du Grand Pont, il porte dans ses flancs une tour roulante qui vient se coller au Grand Châtelet et abat brusquement un pont-levis. Les soldats francs comprennent le danger, ils se ruent, sabre en avant, et se battent au corps à corps. Les attaquants fléchissent et reculent… Le Viking Sigefroi, abasourdi par la furie franque, stupéfait de cette résistance imprévue, ordonne la retraite, abandonnant sur place un grand nombre de tués.
La nuit tombe. Paris se prépare à soutenir, demain, de nouveaux assauts. Au cours de cette première journée de lutte, un homme a émergé, plus résolu et plus téméraire que tous les autres : Eudes, comte de Paris, va désormais mener le combat. Car, depuis le VIII e siècle, Paris est devenu un comté dont le premier titulaire fut Grifon, fils de Charles Martel. Le titre échut ensuite à différentes dynasties au gré des influences et des coalitions.
Pour l’heure, le plus urgent est de relever la tour du Grand Châtelet : trop basse, elle met les défenseurs à portée des flèches de l’ennemi. Comment réaliser l’ouvrage ? Le construire en pierres et en briques prendrait trop de temps, mais un rapide agencement de bois semble possible… On s’affaire à Paris, cette nuit-là. Chacun veut apporter sa contribution à l’aménagement, on cherche le bois, on scie, on cloue, on assemble poutres et soliveaux. On s’agite si bien que lorsque point l’aube, Sigefroi en reste pantois : la tour a grandi dans la nuit !
Pour détruire le Grand Châtelet, une troupe de Vikings traverse à la nage le fossé qui l’entoure. Armés de pics et de haches, les soldats du Nord tentent d’en ébranler les bases. Tout en haut, sur l’étage de bois, le comte Eudes fait jeter de l’huile bouillante, de la poix fondue et des flèches enflammées sur l’ennemi. Un spectacle d’horreur : les hommes prennent feu comme de l’étoupe et se transforment en torches vivantes. Ils cherchent vainement leur salut en replongeant dans la Seine, mais l’huile embrasée continue de brûler, et des corps incandescents flottent sur le fleuve.
On croit bien pourtant, à un moment, que la tour va céder. Dans Paris, les cloches de toutes les églises sonnent le tocsin. Les Vikings sont si nombreux que des vagues nouvelles viennent remplacer les assaillants mis hors de combat. Il en arrive encore et encore… Le travail de sape mené à la base du Grand Châtelet finit par creuser une brèche dans laquelle s’engouffrent les agresseurs. Face à eux se dressent Eudes et ses intrépides soldats, tous l’épée à la main. Dans une mêlée sanglante, les troupes s’affrontent. Les Parisiens savent que s’ils reculent en cet instant, c’est toute la ville qui tombera, et au-delà de la ville tout le royaume. Alors ils tiennent. Finalement, les Vikings battent en retraite, abandonnent le combat et vont établir leur camp sur la rive droite, près de l’abbaye Saint-Germain-l’Auxerrois.
De là, ils préparent méticuleusement de nouvelles attaques. Ils prennent leur temps, pillent les campagnes avoisinantes pour se nourrir, construisent d’autres tours roulantes, imaginent des plans d’invasion. À Paris, on renforce le Grand Châtelet et l’on installe à son sommet une machine capable de lancer des pierres impressionnantes.
Après deux mois de cette drôle de guerre, deux mois à s’observer et à imaginer des manœuvres et des armes plus performantes, l’assaut reprend le 31 janvier 886. Dans Paris, le cor sonne pour appeler à la mobilisation de tous.
De nombreuses
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