Métronome
de beaux subsides, il nomme le Viking Godfred duc de Frise, autrement dit il lui offre toute une province située au nord des Pays-Bas. Mais Godfred veut encore plus. Il réclame quelques territoires au bord du Rhin. À trop demander, le cupide Viking va tout perdre, car il est même parvenu à exaspérer le débonnaire Charles le Gros…
L’empereur ne cède pas, mais fait mine de consentir à des négociations. Rendez-vous est pris sur une petite île, au lieu nommé Herispich, là où le Waal se jette dans le Rhin. Le Viking, à la fois confiant et avide, arrive avec une petite escorte. C’est un piège : les hommes de Charles le Gros, terrés en embuscade, surgissent et massacrent en quelques instants Godfred et ses sbires.
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— On a tué Godfred ! Aux armes !
Ce cri retentit à travers toute la Scandinavie.
Les flottes venues du Nord fondent sur la Francie. En cette fin d’automne 885, les Vikings s’en vont gaillardement attaquer Paris, qui leur ouvrirait la porte de la Bourgogne puis de tout le pays.
La Seine est couverte d’une infinité de bateaux ennemis, coque contre coque. Sept cents embarcations progressent sans hâte, grande voile rectangulaire accrochée au mât, figures de la mythologie Scandinave sculptées sur la proue relevée en pointe… C’est comme une forêt de bisons, de béliers, de rapaces et de chimères rehaussés de couleurs criardes qui avance sans bruit. On ne distingue plus l’eau du fleuve, elle est entièrement dissimulée par l’escadre, long ruban souple qui s’enroule dans les méandres, s’étire dans les chenaux et s’allonge jusqu’à Paris.
En ville, on sait qu’il n’y a rien à attendre de Charles le Gros : le pusillanime souverain compte ses sous et prépare méticuleusement les nouvelles cassettes qu’il livrera aux Vikings… Les Parisiens se détournent de l’empereur à l’honneur perdu. Désormais, les habitants, les soldats et les chefs ne comptent que sur eux-mêmes. Paris ne tremble pas, la population ne fuit pas, chacun s’organise pour la bataille. Cet assaut, les Parisiens l’attendent depuis longtemps. Ils se sont préparés à affronter les pillards.
Le 25 novembre, l’immense flotte venue du Nord s’arrête devant l’île de la Cité. Sans coup férir, les Vikings occupent la rive gauche, investissent la riche abbaye Saint-Germain-des-Prés, obligeant l’abbé Ebles et plusieurs de ses moines à fuir pour se réfugier sur l’île.
Sigefroi, le chef des Vikings, rendu gourmand par la couardise de Charles le Gros, demande à parler au premier des Parisiens… Il espère entamer une négociation qui évitera le combat et le couvrira d’or.
On lui envoie Gozlin, l’évêque de Paris. Le chrétien a abandonné sa mitre et son aube claire, il a posé un casque sur sa tête et se tient raide dans sa cuirasse de métal gris. Face à lui, le païen à la longue barbe soigneusement tressée, revêtu d’une fourrure aux longs poils, glaive à double tranchant glissé dans la ceinture. Sigefroi se fait rassurant. Il ne veut que franchir l’île de la Cité, assure-t-il, engager sa flotte sous les ponts pour aller plus loin ravager la Francie.
— L’empereur Charles, qui après Dieu tient sous ses lois le monde presque entier, nous a confié cette ville non pas pour provoquer la perte du royaume, mais au contraire pour le protéger et lui assurer une inaltérable tranquillité, s’indigne Gozlin. Si la défense de ces murs vous avait été confiée, feriez-vous ce que vous prétendez juste de vous accorder ?
L’honneur viking est touché.
— Si j’agissais ainsi, s’exclame Sigefroi, que ma tête tombe et soit jetée aux chiens !
On ne lui en demande pas tant…
— Vous me refusez l’entrée dans votre ville, continue le Viking, mon épée me frayera le chemin. Nous verrons si vos tours sont à l’épreuve de mes machines et de la vaillance de mes soldats. Demain à l’aurore, les flèches de mes guerriers vont pleuvoir, et il en sera ainsi jusqu’au coucher du soleil. La bataille recommencera tous les jours, nous continuerons pendant des années s’il le faut…
Effectivement, le matin suivant, des vagues de Vikings débarquent des bateaux et viennent occuper l’espace qui s’étend devant le fossé autour du Grand Châtelet. Des nuées de flèches tirées par les Vikings s’abattent au hasard et frappent certains défenseurs. L’évêque Gozlin lui-même est touché : on lui arrache le carreau
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