Métronome
Vikings… À la faveur de l’obscurité, quelques Parisiens audacieux viennent voler des bœufs, et le bétail traverse silencieusement le Grand Pont pour venir se faire rôtir par les habitants affamés.
La situation est plutôt étrange : les Parisiens n’osent sortir de l’île, les Vikings campent aux abords… Le siège est-il levé, oui ou non ? Il faut brusquer un peu les choses et pousser les assaillants à déguerpir. Pour cela, l’empereur Charles le Gros doit entrer dans la bataille. Eudes et quelques braves sortent de Paris et galopent jusqu’à Metz pour tenter de fléchir le cœur du souverain et obtenir de lui quelques troupes assez puissantes pour chasser les Vikings loin de Paris. Mais le gros Charles est fatigué de tous ces problèmes, qu’on le laisse un peu tranquille, qu’on l’abandonne à son autosatisfaction et qu’on ne vienne plus le déranger avec ces réclamations qui ne finissent jamais…
Bon, puisque Eudes insiste, Charles consent à envoyer vers Paris quelques troupes conduites par le duc Henri de Saxe. L’empereur lui-même viendra plus tard, peut-être, sûrement, on verra…
Eudes se hâte de retourner à Paris pour annoncer la bonne nouvelle à ses concitoyens. Bientôt, dans le soleil du mois de juin, le comte apparaît sur les hauteurs de Montmartre, et toute la ville retient son souffle. Quant aux Vikings, bien certains que toute cette agitation n’augure rien de bon pour eux, ils tentent d’empêcher Eudes de rentrer dans la cité assiégée… Mais que peuvent des rangées de soldats bien armés contre un héros ? Eudes au grand galop, sabre en avant, perce les rangs des Vikings, file comme un boulet et entre dans la place, reçu en brave, acclamé de tous.
Les troupes d’Henri de Saxe arrivent peu après et affrontent les Vikings qui reculent. Les nobles francs voient dans cette confrontation l’occasion d’infliger à l’ennemi une défaite aussi marquante que définitive. Pour cela il faut des renforts, et l’empereur doit les conduire, il est annoncé, il est à la tête d’une puissante armée, il est là près de Montmartre, il va vaincre, c’est sûr…
Seulement voilà, Charles tergiverse. L’arrière-petit-fils de Charlemagne est un négociateur sans doute, un rusé peut-être, mais un foudre de guerre certainement pas. Les Vikings veulent passer sur la Seine ? Eh bien, qu’ils passent ! Et pour contenir un peu la voracité des pirates scandinaves, l’empereur leur octroie une gratification de sept cents livres d’argent. Les nobles francs crient à la trahison ! En fait, il ne s’agit plus seulement de poltronnerie : l’empereur se soucie surtout de la Germanie, autrement dit de la Francie. orientale, et préfère risquer une alliance éphémère avec les chefs nordiques plutôt que de se préoccuper du sort du cœur de ses États : la Francie occidentale. L’aristocratie franque ne pardonnera jamais cette perfidie.
Dès lors, Paris ne se sent plus lié par les accords pris par l’empereur. Et quand Sigefroi veut faire passer sa flotte sous le Grand Pont pour aller plus loin incendier la Francie, comme Charles le lui permet, on fait tout pour arrêter le convoi. Du haut de la tour du Grand Châtelet, Ebles, l’abbé-archer, vise le pilote du premier bateau et lui décoche une flèche dans le cœur ! Les Vikings ont la sagesse de ne pas insister. Et chose extraordinaire, spectacle incroyable, ces marins intrépides tirent leurs embarcations sur la terre ferme et contournent Paris par les champs et les bois ! Toute honte bue, ils se remettent à l’eau plus loin, suivent ensuite le cours de l’Yonne, attaquent Sens, qu’ils ne parviennent pas à prendre, se rabattent sur Meaux, moins bien défendue, pillent la ville et emmènent l’évêque, espérant l’échanger contre quelques pièces d’or.
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Un an plus tard, en novembre 887, le mécontentement est général dans l’empire. Pour apaiser la noblesse, Charles le Gros se voit contraint de convoquer une diète à Trebur, près de Mayence. L’empereur voudrait se justifier, mais qui a envie d’écouter ses pitoyables explications ? Il est aussitôt destitué de tous ses titres. En quelques secondes, Charles n’est plus ni empereur d’Occident, ni roi d’Italie, ni roi de Francie orientale, ni roi de Francie occidentale… Il n’est plus rien. Son neveu le duc Arnulf est proclamé roi en Germanie, mais le trône de Francie reste vacant…
Au mois de
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