Métronome
compter la piétaille. Au mois d’octobre, les soldats germains entrent en Francie. Ils sont venus pour détruire et dévaster, ils ne s’en privent pas : les palais royaux d’Attigny et de Compiègne sont ravagés, les champs du Soissonnais et du Laonnais brûlent. Mais cela ne suffit pas, Othon veut Paris. Paris mis à sac lavera l’humiliation subie à Aix-la-Chapelle !
Lothaire s’est enfui de Laon pour aller piteusement se réfugier à Étampes, et n’a d’espoir qu’en Hugues Capet : le comte de Paris doit défendre sa ville… Plus le temps de mobiliser une armée : Paris va devoir se battre tout seul, une fois de plus. Les Germains arrivent déjà, on distingue la grouillante nuée de leurs cavaliers sur les hauteurs de Montmartre… L’armée ennemie est là, elle dresse ses tentes, mais elle demeure prudemment au loin. Othon hésite à attaquer. Il sait que la ville a jadis soutenu victorieusement le siège des Vikings. Pourra-t-il faire mieux que les pillards du Nord ?
Un neveu de l’empereur, téméraire et orgueilleux, réclame le droit d’ouvrir une brèche avec ses hommes. Othon consent : que cette tête brûlée aille se mesurer aux Parisiens ! Mais à peine la petite cohorte est-elle à portée des murailles que les hommes de Capet sortent de la ville, encerclent cette avant-garde intrépide et l’exterminent jusqu’au dernier. Même le neveu de l’empereur n’est pas épargné.
Ce sévère avertissement n’incite guère Othon à se mesurer plus avant à la colère parisienne. Pourtant, il faut bien faire quelque chose… Pour marquer la présence germanique et mettre à l’épreuve les nerfs des Parisiens, un soldat d’une force et d’une taille prodigieuses se présente chaque matin devant le Grand Châtelet, symbole de la résistance parisienne. De sa voix de basse, il lance plusieurs heures durant des chapelets d’insultes contre Paris et toute la Francie.
Pour Hugues, cette insupportable provocation doit cesser. Mais faut-il pour cela accepter le choc entre les deux armées ? Non, à un homme seul doit répondre un homme seul !
On choisit un chevalier nommé Ives pour défendre l’honneur franc. Les portes de la ville s’ouvrent : fièrement juché sur son cheval, le champion vient affronter le géant. Chacun combat sous les clameurs enflammées de ses partisans et les vociférations venimeuses de ses ennemis. La lance du Germain fait voler en éclat le bouclier d’Ives et se fiche dans sa poitrine. Le champion de Paris glisse de sa monture et s’effondre. Le Germain a-t-il remporté le duel ? Il se précipite pour achever son adversaire, c’est la consternation dans le camp des Parisiens, on tremble, on se lamente déjà. Mais alors que le Germain triomphant se rue sur sa proie blessée, Ives ouvre les yeux, bouge, dresse brusquement sa lance… et la pointe s’enfonce mollement dans le défaut de la cuirasse du géant, juste dans cet espace sous le ventre où le cuir rejoint les pièces métalliques. Le vaincu s’écroule dans un grand bruit de fer froissé, et les Parisiens laissent éclater leur joie. Une seconde a suffi et ils ont, en quelque sorte, gagné la guerre !
Le 30 novembre, après deux mois environ d’un siège qui a finalement pris les allures d’un voisinage de bon aloi, Othon plie bagage. Il fait froid, on patauge dans la boue, l’hiver approche, rien ne sert d’insister. Les tentes sont démontées et la belle armée germaine quitte les hauteurs de Montmartre. Elle va se faire harceler un peu plus loin, près de Soissons, par les troupes bien aguerries de Lothaire.
Cette victoire obtenue aux portes de Paris sans presque coup férir permet à Hugues Capet de s’imposer comme le premier seigneur du royaume franc après le roi. L’Auvergnat Gerbert d’Aurillac, qui deviendra pape sous le nom de Sylvestre II, peut alors écrire : « Le roi Lothaire n’est le premier en Francie que par son titre. Hugues l’est, non par le titre, mais par ses faits et gestes. »
Quelle légende pour le Germain ?
De la mémorable joute entre Ives le Franc et le colossal Germain va naître la légende du géant Isoré… Elle sera reprise à partir du XII e siècle dans des chansons de geste destinées à galvaniser l’héroïsme français face aux invasions étrangères. Le géant deviendra un Sarrasin et le héros prendra l’identité et les traits de Guillaume d’Orange, chevalier de Charlemagne, défenseur de la chrétienté. Et dans
Weitere Kostenlose Bücher