Métronome
par de hauts seigneurs qui n’avaient pas forcément la vocation religieuse, mais considéraient les titres religieux comme un bien héréditaire destiné au cadet de la lignée.
Pour Rome et les vrais chrétiens, le temps était venu de purger l’Église de ces abus et de retrouver le chemin de Dieu. Rome ne voulait plus être le jouet des barons et des grands… Rendez au Seigneur ce qui appartient au Seigneur !
Ce renouveau se matérialisa à Cluny, abbaye bénédictine de Bourgogne, qui voulait se soustraire à toute domination temporelle et se plaçait sous l’autorité unique du pape. Les deux moines les plus connus de ce combat pour la spiritualité pure et dure se nommaient Raoul Glaber et Adémar de Chabannes. Ces personnalités clunisiennes ont surfé sur des années de guerres et d’invasions afin de convaincre le peuple de Francie de s’en remettre à Dieu pour la paix et le salut du monde.
Le Saint-Père, de son côté, n’hésitait jamais à inciter les fidèles à enrichir ces nouveaux monastères, ces refuges de la vraie foi qui fleurissaient un peu partout en Francie et ailleurs en Europe.
La règle instituée à Cluny et dans ses dépendances était celle de saint Benoît, sauf que le travail manuel, indispensable pour cultiver l’humilité, était relégué au second plan derrière le spirituel, c’est-à-dire la prière, l’écriture, le chant, la copie de manuscrits. Cluny se voulait le temple du savoir et de l’intelligence.
Cette puissante congrégation, qui cherchait à prendre en main les destinées de l’esprit et de la conscience humaine, s’installera plus tard à Paris. Le monastère Saint-Martin-des-Champs sera intégré à l’ordre clunisien en 1079.
Ici, dans la gloire de Dieu, les lumières de Cluny éclaireront Paris et les pieux paroissiens.
Mais avant cette « reprise en main » de l’Église, de sérieux contentieux avaient opposé celle-ci à la couronne. Ainsi, le fils et successeur d’Hugues Capet, Robert II, s’était attiré les foudres du Saint-Siège à cause d’une vie privée un peu agitée.
Tout commence quand pour des raisons purement politiques, et sur ordre de son père Hugues, le prince Robert épouse, à l’âge de seize ans, la « vieille » Rozala, âgée de trente-trois ans, veuve du comte de Flandre et fille du roi d’Italie. Tout ça pour obtenir en dot le comté de Ponthieu, qui vient ainsi s’ajouter aux propriétés royales.
Après une vie conjugale assez terne, qui dure tout de même une dizaine d’années, Robert rencontre enfin la femme idéale : elle s’appelle Berthe, elle a trente-deux ans, elle est veuve d’un comte de Blois et flanquée d’une ribambelle d’enfants… Cette femme qui éblouit tant le jeune homme de vingt-six ans est la fille du roi de Bourgogne et de Provence, détail qui complique un peu la situation, car sa mère est la sœur du roi Lothaire, le dernier des Carolingiens. Par le jeu des unions, elle est donc l’arrière-petite-cousine du frétillant Robert… Et l’Église ne badine pas avec les liens de consanguinité, même s’ils sont un peu éloignés et tortueux. Tant pis, à peine monté sur le trône, Robert répudie Rozala et trouve un archevêque complaisant pour bénir son union avec la chère Berthe.
Le jeune pape Grégoire V ne décolère pas : le roi des Francs défie par son mariage l’autorité papale et les saintes lois de l’Église ! Pour montrer sa soumission et calmer le jeu, Robert envoie un ambassadeur au souverain pontife avec un ordre du jour sans ambiguïté :
— Nous avons certaines affaires en litige avec le Saint-Siège, assurez Grégoire V que je lui donnerai satisfaction sur tous les points s’il me laisse ma femme.
Le pape s’en étrangle : Robert consent à tout, sauf à ce qu’on lui demande ! Grégoire V ne bouge pas d’un iota et exige que les deux tourtereaux se séparent.
L’ambassadeur revient penaud à Paris, porteur d’un message d’intransigeance…
— Jamais je ne me séparerai de ma femme ! hurle le roi. Elle m’est plus chère que tout au monde et je veux que l’univers entier le sache.
En rétorsion, le pape réunit un synode à Pavie, et de cette réunion de prélats sort une décision : « Le roi Robert, qui malgré l’interdiction apostolique, a épousé sa parente, doit se rendre auprès de Nous pour Nous donner satisfaction… S’il refuse de venir, qu’il soit privé de communion. » C’est la menace
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