Métronome
suprême, celle de l’excommunication !
Mais Robert, trop heureux de filer le parfait amour, ne répond pas à la convocation papale, ce qui évidemment n’arrange pas ses relations avec le Saint-Siège. Alors le pape réunit un nouveau synode, cette fois à Rome. Une règle sort des débats, une loi canonique rigide et menaçante : « Le roi Robert quittera Berthe, sa parente, qu’il a épousée contre les lois. Il fera une pénitence de sept années, selon la discipline de l’Église sur les mariages incestueux. S’il refuse de se soumettre, qu’il soit excommunié. »
Tout d’abord, il n’obéit pas. Le voilà donc rejeté par l’Église, retranché de la communauté des fidèles. Aussitôt, le palais de la Cité se vide. En un ballet désespérant, les vassaux, les conseillers, les clercs s’en vont les uns après les autres. Entre le pape qui promet le Paradis et le roi qui n’a que des biens terrestres à offrir, leur choix est vite fait. Les derniers serviteurs demeurés sur place purifient la vaisselle du roi par le feu et la prière après chaque usage, de peur d’être contaminés par la terrible sentence, imaginant que le simple contact avec le condamné les vouerait à la damnation éternelle.
Et c’est ainsi, dans le péché, que le roi et la reine franchissent l’an 1000. Sur l’île de la Cité perdure la situation absurde qui transforme les souverains en prisonniers de leur propre palais. En définitive, c’est la bonne Berthe qui craque. Au fond, elle ne tient pas tellement à être reine des Francs ; et puis l’idée de devoir rester recluse entre ses murs lui fait horreur.
En 1001, après quatre ans de vie commune, Berthe et Robert consentent à se quitter, séparation qui se fait dans les pleurs et la contrition, mais aussi dans un étalage un peu bruyant de bons sentiments et de déchirants regrets. Berthe monte sur un char léger tiré par quatre chevaux, traverse le Grand Pont, passe sur la rive gauche, remonte la longue voie Saint-Jacques, franchit la montagne Sainte-Geneviève et poursuit sa route vers le sud, direction Vienne, au bord du Rhône, où elle va retrouver la cour royale de son père.
Quant à Robert, sa dévote repentance s’affiche avec démesure. Il pleure, il se lamente, il fréquente chaque jour les églises parisiennes, chante plus fort que les autres durant les offices, passe les nuits de grandes fêtes en oraison, couche par terre en marque de pénitence.
Il s’agite beaucoup, mais cela ne lui suffit pas. Il fonde des monastères un peu partout. À Paris, il fait reconstruire l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, qui avaient été si malmenées par les Vikings. Pour tenir le bon Dieu à sa disposition, il fait élever dans son palais une chapelle dédiée à saint Nicolas, et qui deviendra un siècle et demi plus tard la Sainte-Chapelle.
Robert pense à son âme, certes, mais aussi un peu à son confort personnel : il restaure le palais de la Cité, l’agrandit par la Conciergerie, bâtiment affecté à la résidence du concierge du palais… Concierge ! Un terme bien commun pour une haute fonction : celle de faire exercer par les baillis la justice basse et moyenne, avec des privilèges exorbitants, parmi lesquels le droit de prélever une taxe sur chaque tonneau de vin et sur chaque quantité d’avoine.
Au passage, tordons le cou à une croyance bien ancrée : « concierge » ne vient pas de « comte des cierges », celui qui surveillerait les cierges du palais ! Le mot est tiré du latin conservius , compagnon d’esclavage, et désigne celui qui est au service du palais.
En rétablissant le palais de la Cité, le roi Robert redonne à Paris son rôle de capitale, rôle que les rois carolingiens avaient un peu négligé. Mais il est vrai que le statut et la géographie de l’agglomération sont encore un peu flous. Le comté de Paris est finalement rattaché à la couronne. Mais elle est où, cette ville ? Dans l’île de la Cité enserrée derrière ses murs ? Sur la rive droite qui se peuple de belles demeures, mais dont l’expansion est limitée par les marais ? Sur la rive gauche essentiellement occupée par les abbayes, les églises et leurs vergers ?
Quel sort pour la Conciergerie ?
Avec les quatre tours du quai de l’Horloge et la Sainte-Chapelle, les cuisines, la salle des gardes et celle des gendarmes de la Conciergerie sont les uniques vestiges du palais médiéval.
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