Métronome
pourrait-elle se résigner, mais non, il y a aussi les lépreux ! Robert adore les lépreux, ils permettent au roi de se montrer si dévoué et si charitable… Il les reçoit en son palais et s’empresse d’embrasser leurs mains rongées par la maladie. Quelque seigneur s’étonne de cette belle mais excessive bonté…
— Jésus-Christ a pris la forme d’un lépreux, rappelle le roi sur un ton sentencieux.
Selon les Écritures, le Christ aurait plutôt guéri un lépreux… Et bientôt le roi, dans son humilité tapageuse, va faire de même. En tout cas, on lui attribue des guérisons miraculeuses : il lui suffirait de faire le signe de la croix sur un malade et la lèpre disparaîtrait… Le peuple ingénu y croit ou fait semblant d’y croire. À partir de Robert, et jusqu’à Louis XVI, on prêtera aux rois le pouvoir de guérir les écrouelles, c’est-à-dire toutes sortes de fistules purulentes.
Avec ses mendiants et ses scrofuleux, Robert est au comble du bonheur. En fait, plus il vit dans le péché avec Berthe, plus il se fait bon chrétien, modeste et bienveillant. Finalement, Constance abandonne la place.
Elle quitte Paris, laisse Robert à ses mendiants, à ses lépreux et à sa maîtresse pour passer le plus clair de son temps à Étampes où le château accueille sa cour personnelle et ses enfants.
En 1031, Robert le Pieux – car on ne saurait l’appeler autrement désormais – a cinquante-neuf ans. Un âge raisonnable pour l’époque, mais enfin il se porte bien. Tout va pour le mieux jusqu’au 29 juin. Ce jour-là, une éclipse de soleil vient perturber sa ferveur religieuse. C’est sûr, cette éclipse est un présage de mort, d’ailleurs tout le monde le dit.
Effectivement, le roi est aussitôt terrassé par une fièvre qui le fait suffoquer… et il met seulement trois semaines à mourir. De Melun, où le mal a frappé le roi, on transporte la dépouille jusqu’à Saint-Denis où elle est inhumée à côté de celle de son père, Hugues Capet.
Les moines de Saint-Denis sont si redevables de tant de bontés au roi défunt que, dans leurs écrits hagiographiques, ils imaginent cette mort accompagnée de phénomènes extraordinaires et de cataclysmes : une comète serait passée au firmament, les rivières auraient débordé, renversant des maisons et noyant des petits enfants… Manière de montrer que même le Ciel pleure la disparition du pieux Robert.
Cette piété a profité à Paris. Pour la première fois depuis les invasions vikings, un souverain s’est mis en tête de rebâtir la ville. Il est vrai que seuls les monastères, les abbayes, les églises et son propre palais ont profité de ses largesses, mais l’élan est donné.
*
* *
La montée sur le trône d’Henri I er , fils de Robert le Pieux, marque l’aube d’une période difficile : disettes, épidémies et incendies vont se succéder. Et puis, les Parisiens sont divisés, certains acclament le nouveau roi Henri, d’autres réclament la couronne pour son frère cadet Robert. Inquiet de voir une partie de la population de sa ville contester son autorité, Henri juge prudent de prendre la fuite et de courir se réfugier à Fécamp, chez son allié le duc de Normandie.
Il a raison de partir : à Paris, il n’y a plus rien à manger. Sur les marchés, on vend de la viande de chiens ou de souris, et même, dit-on, des cadavres déterrés à la hâte, qu’il faut bien cuisiner si l’on ne veut pas mourir soi-même. Dans les églises, les malheureux affamés s’entassent, espérant trouver un secours ou alors la mort, enfin un événement qui viendrait à bout de cette souffrance. Tout va mal. En 1034, un incendie plus violent que les autres détruit les masures dans lesquelles s’abritait un petit peuple. En 1035, la famine s’accompagne d’une sorte de peste qui fait périr plus sûrement encore que la faim.
Pendant ce temps, Henri I er pourchasse les rebelles qui contestent son trône. C’est dire qu’il a peu l’occasion de s’occuper de Paris.
Le moment est venu pour l’Église de se servir de tous ces désordres pour asseoir son autorité. En 1049, le pape alsacien Léon IX, à peine élu, se met en tête d’éradiquer la simonie qui ronge le clergé. C’est vrai, en Francie en tout cas, et singulièrement à Paris, les titulaires des évêchés et des abbayes ne sont pas toujours les plus croyants et les plus méritants, ce sont avant tout ceux qui ont pu acheter leur charge
Weitere Kostenlose Bücher