Métronome
au souverain. Cette pratique bien instaurée satisfait les riches ambitieux, bien sûr, mais aussi le roi qui tire de la vente des dignités ecclésiastiques une part non négligeable de ses revenus. De plus, le haut clergé, devenu l’obligé du monarque, ne peut lui refuser de lever quelques bataillons quand le climat est à la guerre.
De quoi ce pape vient-il se mêler ? doit s’interroger Henri I er . En cherchant à supprimer certaines mauvaises habitudes, le Saint-Siège tente aussi d’imposer son influence sur tous les pays de la chrétienté. C’est intolérable ! Pour commencer, et pour montrer la mauvaise humeur du royaume, aucun évêque de Francie ne répond à l’invitation lancée par Léon IX qui réunit un concile sur le thème délicat des clercs simoniaques.
D’ailleurs, ce pape ne cesse de chercher des noises au roi des Francs. Au cours d’un séjour à Ratisbonne, Sa Sainteté visite l’abbaye de Saint-Emmeran dans laquelle se trouve une châsse censée contenir le corps de… saint Denis ! Mais saint Denis repose près de Paris, tout le monde le sait. Eh bien non, le souverain pontife déclare que la seule dépouille véritable est celle détenue par l’Empire germanique.
Le roi Henri refuse cette vérité révélée. Solennellement, devant les Parisiens venus en foule, il fait ouvrir le sarcophage de l’abbaye Saint-Denis. L’odeur qui s’en échappe apparaît si douce et si suave que tous conviennent qu’elle ne peut provenir que des restes d’un saint ! Et l’on continue allègrement de prier Denis en son église des faubourgs de Paris.
Mais le roi Henri veut faire mieux, frapper plus fort et plus haut, pour amoindrir l’influence et la mainmise papales. Pour cela, il va créer à Paris une somptueuse abbaye dont il restera le maître, en dépit de toutes les vociférations romaines.
À l’emplacement de la chapelle dédiée à saint Martin, Henri I er fonde le monastère Saint-Martin-des-Champs, l’enclôt de murailles, lui offre richesses et terres, lui octroie revenus, droits, privilèges, exemptions de taxe…
La tâche est immense et ne sera achevée que par le fils d’Henri, le roi Philippe I er . Au moment de la dédicace, en 1067, Saint-Martin-des-Champs constitue une vaste enceinte entourée de murs crénelés munis de dix-huit échauguettes et de quatre solides tours de garde.
Et c’est ce fameux monastère qui, en 1079, est donné à l’ordre de Cluny. Les chanoines qui occupent les lieux sont aussitôt remplacés par soixante-dix moines bénédictins. Saint-Martin-des-Champs devient prieuré, « quatrième fille de Cluny » selon le vocabulaire de l’époque. Car l’abbaye en possède d’autres en Francie, mais aussi en Suisse, en Espagne en Angleterre.
Par ce geste, Philippe I er veut sans doute faire quelques concessions au Saint-Siège, caresser le pape dans le sens du poil, se résigner à des compromis entre deux interdits lourdement affichés…
Car le siècle s’achève comme il a commencé : dans les amours prohibées. En 1092, Philippe tombe éperdument amoureux de la jeune Bertrade, fiancée au vieux comte d’Anjou. Pour trouver la félicité, le roi répudie son épouse et la fait enfermer au château de Montreuil-sur-Mer. Entre-temps, hélas, la douce Bertrade a épousé son vieillard. Si l’on devait s’arrêter à ces contingences, à quoi servirait-il d’être roi ? Bertrade est enlevée, opération qui ne se révèle pas trop compliquée puisque la victime est consentante ! La jeune fille de vingt-deux ans se donne avec fougue au roi de presque trente ans son aîné, satisfaite et heureuse de parader au palais de la Cité comme une vraie reine des Francs.
Une reine que la population parisienne accepte et ovationne lorsqu’elle sort de sa résidence. Gens de bon sens, les habitants de la ville estiment que leur roi a droit au bonheur. Ailleurs, pourtant, l’opinion n’est pas toujours la même…
Le pape Urbain II est abasourdi : « Un pareil attentat montre évidemment la décadence de tout le royaume et annonce la ruine prochaine de vos églises…» écrit-il. Et puis, comme il ne peut faire entendre raison aux amoureux, il les excommunie tout de bon. Désormais, le roi et sa belle dame ne pourront plus être reçus dans les églises, les portes des monastères se fermeront devant eux. En principe. Car nombreux sont ceux qui conservent pour le roi une estime mêlée d’amicale complicité.
Et cela dure
Weitere Kostenlose Bücher