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Meurtres dans le sanctuaire

Meurtres dans le sanctuaire

Titel: Meurtres dans le sanctuaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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recouvert de cuir noir contenant quelques lambeaux d’étoffe souillée.
    — Avec ces linges, annonça le moine, notre martyr essuyait la sueur de son visage et les morves qui coulaient de son nez.
    Les marchands restèrent sans voix. Quelques-uns se détournèrent, un peu écoeurés. Puis le moine referma le coffret, et un frère lai entra avec un plateau portant des gobelets de vin et des assiettes de gaufres. Thopas s’était maintenant avancé au premier rang du groupe, tenant sa petite fiole dans sa main gauche. Les marchands bavardaient et fouillaient leur besace à la recherche de monnaie qu’ils déposeraient sur le plateau de la quête. Profitant de la pénombre, Thopas entreprit de distribuer les gobelets et servit sa victime en dernier. Avant de lui tendre son godet, comme les conversations allaient bon train, il versa la poudre empoisonnée dans le vin et fit tourner celui-ci doucement pour que le poison s’y dissolve. Après quoi, parfaitement silencieux, il regarda sa victime absorber sa mort avant de reculer dans l’ombre pour s’enfuir de la cathédrale, tel un fantôme.
    Dans sa maison d’Ottemelle Lane, Kathryn Swinbrooke faisait semblant de travailler dans son petit cabinet d’écriture, pendant qu’à la cuisine Thomasina, rouge et suante, se démenait pour préparer le souper. La servante maudissait à mi-voix tous les hommes, et surtout les Irlandais, ces vers de tourbière qui, avait-elle dit à Agnes, dévoreraient tout, y compris leur maison, avant de venir les ravir de force dans leurs lits.
    — Ce ne serait pas une si mauvaise chose, murmura Kathryn avec un demi-sourire.
    Elle écouta ensuite Thomasina décrire en termes hauts en couleur les atrocités que ces mercenaires irlandais feraient subir à toute pauvre fille malencontreusement tombée entre leurs sales pattes brutales. Agnes  ponctuait le récit de la servante de hoquets prétendument terrifiés.
    — Oh oui, criait maintenant Thomasina, sachant fort bien que sa maîtresse l’entendrait depuis son cabinet d’écriture, j’en ai entendu, des histoires, sur les mercenaires d’Édouard d’York.
    Elle baissa la voix en un bruissement que l’on aurait cependant perçu jusqu’au Guildhall et même plus loin, et dit :
    — Écoute un peu, Agnes, ils prennent une pauvre fille et la déshabillent lentement, puis lui lient les mains au-dessus de la tête.
    Ensuite ils boivent et se soûlent avant de lui faire subir les outrages les plus terribles.
    — Quoi, par exemple ? gloussa Agnes, pleine d’espoir.
    Cette fois, la voix de Thomasina se réduisit à un vrai chuchotement tandis qu’elle abreuvait la fille de cuisine de détails croustillants tirés des histoires licencieuses qu’elle avait entendu raconter au cours de sa longue vie mouvementée. Esquissant un sourire, Kathryn se pencha sur sa table. Quelqu’un avait dit un jour que Thomasina avait une bouche sale comme
     un égout, mais Kathryn lui connaissait aussi un coeur d’or.
     À l’entendre mentionner avec tant d’insistance les Irlandais, Kathryn se prit à évoquer les événements de la journée. Le mystère qui se profilait derrière la convocation dont elle avait fait l’objet, la perspective de gagner un peu d’argent, l’atmosphère malsaine et inquiétante de la bâtisse du Guildhall envahie de soldats. Et puis les yeux perspicaces de Bourchier dans son visage couperosé ; Luberon, mauvais comme une teigne ; Newington, terrifié à en défaillir ; ce silencieux soldat enfin, insolent, avec ses yeux étranges et son air moqueur et menaçant.
    Kathryn joua avec le couvercle de son encrier. Murtagh lui faisait-il peur ?
    — Non, non, murmura-t-elle dans la pénombre.
    Et pourtant si, et, dans son coeur glacé, elle se prit à maudire son époux. Il lui fallait bien regarder en face une vérité que Thomasina ne cessait de lui assener. Elle craignait les hommes, s’en méfiait, et qui pouvait le lui reprocher ? Alexander Wyville s’était montré si gentil, si attentif et assidu quand il lui faisait la cour ! Kathryn se rappelait sa nuit de noces, la douceur et la passion de ces tout premiers temps. Et puis la vérité : Alexander soûl, le visage défiguré par un masque de haine, faisant resurgir de son âme noire les injustices et les blessures causées par un parâtre cruel, son ressentiment parce qu’il n’avait pas reçu une bonne instruction, son échec à faire prospérer son négoce. Il entrait dans la chambre

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