Meurtres dans le sanctuaire
le corps ? demanda
Kathryn.
— À la salle des morts de Saint-Augustin. D’après la soeur soignante, c’est une forte décoction de ciguë qui a tué Spurrier.
— La ciguë est un poison très coûteux, murmura Straunge.
— Que sont devenus les marchands qui accompagnaient la victime ? interrogea à son tour Colum.
Newington répondit en se frottant les mains :
— Ils sont tous logés à l’Auberge des Échiquiers, dans Mercery Street. Mais le corps de la victime ne nous concerne pas,
Maître Luberon, car nous ne sommes pas ici une cour de justice.
— Certes. Néanmoins, renchérit Colum profitant de l’occasion pour asseoir son autorité, Sa Majesté le roi et Monseigneur l’archevêque m’ont chargé, moi, commissaire spécial de Cantorbéry, de découvrir le meurtrier et de le pendre avant qu’il ne profane davantage l’un des plus grands sanctuaires de la Chrétienté.
Straunge prit la parole :
— Je ne comprends toujours pas pourquoi on nous a convoqués ici.
Colum sourit.
— Il semble clair que notre coupable est un homme instruit, même si ses vers ne riment pas toujours. Il connaît parfaitement la ville de Cantorbéry, peut se faufiler comme une ombre et à l’insu de tous dans ses petites rues et ses venelles. En outre, il nourrit un profond ressentiment ou de solides griefs contre le sanctuaire. Voilà pourquoi il commet ces meurtres. Enfin et surtout, il est guérisseur ou médecin.
À ce point, des cris de protestation fusèrent, que Colum fit taire en frappant sur la table avant d’expliquer :
— Seul quelqu’un exerçant l’un de ces deux métiers, et donc disposant de poisons mortels, a pu perpétrer ces assassinats.
Brantam se pencha en avant et frappa sur la table, comme s’il voulait imiter l’Irlandais.
— Maître commissaire, si c’est le titre par lequel nous devons nous adresser à vous, nous qui sommes tous de loyaux sujets du roi, et des notables de la ville, sommes-nous soupçonnés de ces meurtres ? Et si c’est le cas, pourquoi l’enquête n’est-elle pas menée par le shérif ou le coroner, ou encore... Brantam jeta un regard accusateur à Newington avant de conclure :
— Ou encore par le Conseil des Magistrats ?
— Parce que nous n’avons plus de shérif, plus de maire, plus de coroner et plus de Conseil, répondit aussitôt Newington. Par la faute de Faunte et d’autres traîtres qui l’ont suivi, la ville se trouve privée de ses libertés. Pour cette affaire, Maître Murtagh agit comme le représentant du roi.
— Allons, allons, intervint alors Luberon avec diplomatie, la situation n’est pas aussi tragique.
Kathryn sentit sa sympathie aller vers le clerc. Jusqu’à présent, elle avait apprécié la réserve et le tact de Newington, mais la maîtrise et la précision de Luberon commençaient à lui plaire.
— Écoutez-moi, messieurs, poursuivit-il. Je conviens que Cantorbéry compte d’autres médecins et herboristes, mais nous avons dû en éliminer un certain nombre : les malades et les trop âgés ; ceux qui sont trop pauvres, et enfin ceux qui, comme Maîtresse Kathryn Swinbrooke ici présente, ne correspondent pas à la description de celui que nous cherchons. En outre, le mal de la sueur a fait beaucoup de victimes dans vos rangs. C’est pourquoi, pour l’instant, vous êtes les seuls dont nous avons pu consigner les noms sur notre liste de suspects.
— Pourquoi avoir exclu de cette liste Maîtresse Swinbrooke ? railla Darryl. Elle est médecin et apothicaire. Du moins, jusqu’au retour de son mari, conclut-il avec aigreur.
Luberon s’adressa aimablement à Kathryn.
— Maîtresse Swinbrooke, voulez-vous répondre au médecin Darryl ?
— Rien ne m’y oblige, répliqua Kathryn, mais je le ferai. Maître Darryl, mon père était médecin. Il est mort, que son âme repose en paix. Mon mari est parti à la guerre, et Dieu seul sait où il gît désormais. Mon père m’a appris la pratique, et le Conseil m’a délivré les lettres m’autorisant à exercer mon métier. Dois-je vous rappeler, Maître Darryl, qu’il n’existe pas de guilde de médecins ou d’apothicaires à Cantorbéry ? Je suis donc libre de tenir ces deux pratiques si je le juge utile. Enfin, je détiens les clés des portes et poternes de la ville, qui me permettent d’en sortir et d’y rentrer à ma guise afin de soigner les malades vivant hors nos murs. Pour dire les choses clairement, Maître Darryl, je suis
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