Meurtres Sur Le Palatin
était sans doute les
hurlements des habitants qui fuyaient, quand ce n'étaient pas ceux, bien plus
horribles encore, des malheureux brûlés vifs ou coincés dans des bâtiments en
flammes. Des cris atroces s'élevaient de toutes parts et obligeaient les hommes
à s'époumoner pour se faire entendre.
Kaeso
ordonna à ses prétoriens de secourir les blessés afin que les vigiles puissent,
avant tout, empêcher l'incendie de s'étendre. Beaucoup de civils s'étaient
eux-mêmes portés volontaires mais, la peur du feu étant la plus forte, peu
d'entre eux étaient réellement efficaces.
-
Centurion ! Par ici ! Nous avons besoin d'hommes ! appela l'un des chefs des
vigiles en lui faisant signe depuis une ruelle d'où jaillit soudain une foule
d'habitants terrifiés et hurlants.
Luttant
à contre-courant de la marée humaine, Kaeso et une vingtaine de ses hommes,
dont Matticus et Mustella, rejoignirent le vigile au visage noirci de suie et
poisseux de sueur.
-
Kaeso Concordianus Licinus ! cria celui-ci pour se faire entendre en serrant
l'avant-bras tendu du soldat.
-
Je sais bien qui tu es, centurion ! répondit le vigile sur le même ton, la voix
éraillée d'avoir trop crié. Je t'ai reconnu, même sans ta célèbre compagne !
-
Les fauves et le feu n'ont jamais fait bon ménage !
-
Je m'en doute bien ! Mon nom est Balbus Taurus ! Centurion de la deuxième
division de la région IV !
-
Que pouvons-nous faire pour vous aider, toi et tes hommes ?
Le
vigile se racla la gorge et cracha.
-
Il faudrait que les tiens sécurisent le périmètre de l'incendie ! hurla-t-il en
montrant deux immeubles où le feu avait commencé à prendre. Les gens affolés
courent dans tous les sens et gênent l'accès aux points d'eau !
Kaeso
acquiesça et fit signe à ses prétoriens, qui se postèrent aussitôt pour
interdire le passage dans certaines ruelles et permettre ainsi aux vigiles de
circuler sans gêne. Matticus et lui essayèrent de leur mieux de coordonner les
opérations en écoutant les conseils des vigiles mais l'incendie prenait des
proportions terrifiantes et les gens couraient en tous sens, au mépris des
instructions des soldats.
-
Mon petit-fils ! Lucius ! hurlait un vieil homme que Mustella avait le plus
grand mal à empêcher de retourner dans un immeuble en flammes. Lucius ! Lucius
! Mon petit-fils est à l'intérieur !
Le
jeune prétorien ne supportait plus de rester debout à rôtir sous sa cuirasse en
se contentant de donner des ordres. De plus, le feu ou le sang ne lui avaient
jamais fait peur, il y avait été trop souvent confronté depuis sa plus tendre
enfance. Lorsqu'on est fils de militaire, que l'on a passé son enfance dans les
camps et que ses frères de lait ne sont ni plus ni moins que les héritiers de
la famille impériale, petits-fils d'Octave Auguste et de Marc-Antoine, on se
fait vite à l'idée que les blessures ou les coups font partie de la vie d'un
homme.
Il
courut vers l'une des chaînes humaines de vigiles qui faisaient passer les
seaux d'eau de main en main.
-
Arrose-moi ! cria-t-il à un tout jeune soldat pour couvrir les cris et les
bruits des bâtiments qui s'écroulaient.
-
Pourquoi ? hurla ce dernier.
-
Arrose-moi !
-
Que comptes-tu faire, prétorien ? demanda le garçon, hésitant.
-
Fais ce que je te dis !
Le
vigile secoua la tête avec un juron mais lui versa néanmoins le contenu de son
seau sur la tête.
Comparée
à la chaleur infernale qui les entourait, l'eau parut glacée à Kaeso qui, sans
réfléchir davantage, se précipita dans l'immeuble en flammes d'où le vieil
homme était sorti. À peine franchie la porte étroite, la fumée lui piqua les
yeux et la chaleur lui coupa le peu de souffle qui lui restait.
-
Lucius ! hurla-t-il à pleins poumons, ce qui déclencha une violente quinte de
toux. Lucius !
Il
tendit l'oreille, au milieu des crépitements et du fracas du bois qui
s'écroulait, et crut entendre les pleurs d'un enfant. Ils étaient tout proches.
-
Lucius ! cria-t-il à nouveau. Lucius !
Un
enfant apparut alors derrière un mur de flammes. Il semblait avoir quatre ou
cinq ans et tendait les bras en pleurant.
-
Grand-père ! Grand-père, j'ai peur !
Kaeso
se couvrit le visage des mains et bondit. L'enfant se jeta dans ses bras et il
le souleva en le protégeant du mieux qu'il put avant de sauter à nouveau à
travers les flammes. Puis il courut vers la porte et ce fut presque au bord de
l'étouffement et à demi intoxiqué par la fumée qu'il
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