Meurtres Sur Le Palatin
en
désignant la porte ferrée du ludus .
Elle
éclata d'un ravissant rire haut perché.
-
Qui te dit que Placidus est mon maître, centurion ?
Ce
dernier s'appuya à l'encolure de son cheval avec un de ses sourires séducteurs
auxquels les nobles dames romaines n'avaient jamais su résister.
-
Il ne l'est pas ?
-
C'est mon père ! pouffa la jeune femme. (Matticus écarquilla les yeux.) Oui,
soldat, je suis une femme libre.
Kaeso
la regarda un long moment, ce qui parut la ravir.
-
Avant que ton père n'arrive, tout à l'heure, tu voulais me parler de Lacertus.
Tu n'as pas l'air de l'avoir porté dans ton coeur. Pourquoi ?
Le
visage de Victoria se tordit en une moue méprisante.
-
J'ai choisi de devenir gladiatrice, comme ma mère, parce que j'aime donner le
meilleur de moi dans l'arène, ou dans un cercle de lutte. J'aime voir le regard
admiratif du public lorsque je remporte la victoire. Dans un combat, les
gladiateurs doivent se soumettre à des règles de conduite strictes et être
irréprochables. Une victoire remportée par tricherie ne vaut rien.
-
Dois-je comprendre que Lacertus était un tricheur ?
La
jeune femme hocha la tête.
-
Il se couchait pour de l'argent, assura-t-elle à voix basse en jetant un regard
à la ronde pour être sûre que personne ne les entendait.
-
Qui le payait pour perdre ses combats ? intervint Matticus.
-
Je l'ignore. Mais il y a une taverne, à Subure : le Loup gris. Lacertus s'y
rendait à la moindre occasion. Peut-être y trouverez-vous quelques réponses.
(Puis, s'adressant à Kaeso :) Si tu ne trouves rien, adresse-toi à un vigile du
nom de Taurus Balbus. Il t'en apprendra beaucoup sur ce qui se passe là-bas.
Elle
frappa à la porte pour qu'on vienne lui ouvrir et Kaeso exécuta une petite révérence
polie.
-
Merci, dame Victoria. Ton aide m'a été précieuse. Peut-être aurais-je le
plaisir de te revoir bientôt ? demanda-t-il avec un sourire en coin qui tenait
plus de l'invitation indirecte que du salut reconnaissant.
Elle
lui répondit par un clin d'oeil puis laissa son regard courir sur les jambes
puissantes que laissait en partie à découvert la tunique blanche du prétorien.
-
Les femmes du Palatin ont raison, dit-elle. Le centurion Kaeso Concordianus
Licinus a des cuisses inoubliables !
Celui-ci
ouvrit la bouche pour lancer une repartie bien sentie mais la porte venait de
s'ouvrir et la jeune femme avait déjà disparu à l'intérieur.
Kaeso
et Matticus repartirent sans se douter un instant que, la nuit même, le
quartier de Subure serait à feu et à sang...
D'après
la rumeur, tout avait commencé par une bagarre entre deux hommes au sujet du
prix à payer pour une partie de dés perdue. Les lames étaient sorties de leurs
fourreaux et le sang avait coulé, entraînant une bataille rangée entre les
bandes rivales dont les deux joueurs de dés faisaient partie. Les vigiles
étaient intervenus pour contenir l'émeute mais cela n'avait fait qu'attiser la
rage des belligérants, qui n'admettaient pas que des représentants de l'État
viennent mettre leur nez dans leurs règlements de comptes et leurs petits
trafics.
Très
vite, tout Subure s'enflamma, au sens propre comme au figuré, certains
profitant de la confusion pour régler des comptes personnels en incendiant
maisons, bordels et tripots concurrents.
Malheureusement,
dans cette partie de la cité, la densité de population était telle que les insulae ,
ces maisons à plusieurs étages, au loyer aussi modéré que leur salubrité, où
s'entassaient parfois des familles entières dans une seule pièce, y avaient
poussé comme des champignons après la pluie. Les incendies s'y étaient propagés
avec d'autant plus de rapidité et de facilité qu'elles étaient, pour la
plupart, faites de bois branlant et ne respectaient jamais les conseils de
construction, promulgués par le Sénat et destinés à limiter les risques
d'incendie et les effondrements.
Lorsque
Kaeso et ses hommes arrivèrent sur les lieux, plusieurs immeubles s'étaient
déjà écroulés. Les cohortes de vigiles suffocants ne cessaient de sortir des
blessés des décombres et d'asperger les différents brasiers, mais le feu ne
cessait de progresser. L'épaisse fumée, qui charriait des remugles de bois
carbonisé et de viande trop cuite, rendait l'atmosphère irrespirable. Les
flammes dégageaient une chaleur insoutenable et les cendres volaient en tous
sens, empêchant de voir à plus de dix pas. Mais le pire
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