Meurtres Sur Le Palatin
!
Matticus
fit la grimace en remarquant ses doigts boudinés couverts de bagues.
-
Peut-être mais, en attendant, c'est Lacertus qu'on a envoyé ad patres ,
nota-t-il avec un mépris à peine dissimulé pour leur hôte. Sais-tu ce qui a pu
arriver ?
Placidus
leva le sourcil, grimaça et leur fit signe de le suivre.
-
Venez. Venez dans mes appartements, il fait une chaleur étouffante ici.
Les
prétoriens le suivirent dans une cour où une dizaine de gladiateurs
s'entraînaient. Tous arrêtèrent ce qu'ils étaient en train de faire pour
regarder passer l'étrange cortège et, surtout, le célèbre léopard que son
maître, par prudence, tenait fermement par son épais collier de cuir noir.
-
Qu'est-ce que vous regardez, vous autres ? s'emporta Placidus en les menaçant
du poing. Au travail, allez !
Ils
obéirent sans se presser, nullement impressionnés par le petit homme replet qui
conduisait ses invités vers un bâtiment éloigné. Sa petite maison particulière.
Une
fois dans la fraîcheur de l'atrium, Placidus héla un esclave à demi endormi.
-
Apporte-nous du vin et... du lait ? s'enquit-il en désignant Io.
-
Elle s'est déjà désaltérée, merci.
Ils
s'installèrent à une petite table, attendant que le vin soit servi, et le
léopard s'allongea à leurs pieds en reniflant l'air, où flottait une légère,
mais tenace, odeur camphrée. Sans doute les nombreuses huiles ou baumes avec
lesquels les gladiateurs s'enduisaient le corps et soignaient les plaies.
-
Parle-moi de Lacertus, demanda Kaeso en caressant la fourrure soyeuse de sa
compagne, la faisant ronronner comme un gros chat. As-tu une idée de ce qui a
pu se passer ?
Placidus
acquiesça énergiquement.
-
Oh ! Que oui ! C'est un coup bas de Flacus, tu peux en être sûr !
-
Qui ?
-
Valerius Flacus ! s'écria l'homme comme si c'était une évidence.
-
Le sénateur Valerius Flacus ? insista le jeune prétorien.
-
Évidemment, le sénateur Valerius Flacus, centurion ! s'emporta Placidus.
Connais-tu d'autres Valerius Flacus possédant une école de gladiateurs ?
-
J'ignorais qu'il en possédait une.
Son
hôte le dévisagea comme s'il venait d'avouer n'avoir jamais vu la pluie.
-
Eh bien, il en possède une ! Et voilà des années que ce fils de pou me mord les
talons en espérant prendre ma place ! Mais jamais il n'avait encore osé aller
jusqu'au meurtre, non. Jamais ! Ah ! Cette fois, il est bien décidé à avoir ma
peau, c'est moi qui te le dis. Ma mort, voilà ce qu'il veut, centurion !
pleurnicha-t-il. Ma mort, tu entends ? As-tu une idée de combien m'avait coûté
ce garçon et les sommes que j'ai englouties pour le former correctement ?
Sais-tu combien coûte un gladiateur, de nos jours ? Le sais-tu ? Rien qu'en
équipement, il faut compter plus de trois mi...
-
Et peux-tu nous dire ce que ton si précieux investissement faisait en pleine
nuit si loin de son écurie ? le coupa Matticus en se penchant en avant,
venimeux. Que je sache, l'empereur Tibère n'a pas fait donner de jeux publics.
-
C'est vrai, mais...
-
Des combats privés, peut-être ? siffla Kaeso. Placidus blêmit et secoua la
tête, faisant trembler ses joues grasses comme de la gelée.
-
Je sais ce que vous pensez mais... non. Non, non, non, je ne mange pas de ce
pain-là. Je respecte la loi, moi ! Je n'organise pas de paris clandestins. Pas
comme ce chien de Flacus !
Les
prétoriens le dévisagèrent avec des grimaces sceptiques.
-
Non, bien sûr, railla Matticus. Tu te contentes juste d'envoyer un ou deux
gladiateurs pour égayer les soirées mondaines. Et que font-ils, s'ils ne
combattent pas ? Ils dansent ?
-
Ils combattent... bien sûr, bredouilla le petit homme. Mais... il n'y a pas de
paris. C'est juste... comme ça, pour se distraire.
Le
jeune centurion émit un reniflement méprisant et Matticus leva les yeux au
plafond.
-
Chez qui devait combattre Lacertus, la nuit où il est mort ? questionna Kaeso.
Placidus
secoua à nouveau la tête.
-
Il n'avait rien de prévu cette nuit-là, centurion, c'est bien le problème ! Ni
même la veille ou le jour d'après. Il n'aurait pas dû bouger d'ici. J'ignore
même comment il a fait pour s'enfuir ! La porte est gardée jour et nuit. Non,
c'est un coup de Flacus, je vous dis ! Il a dû essayer de le corrompre ou de
l'acheter pour qu'il fasse quelque chose ou qu'il donne des renseignements sur
moi. Ce pauvre garçon aura refusé et il l'a payé de sa vie. Voilà ce qui a dû
se passer ! Ou alors Flacus
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