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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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tout au
contraire. Ce que je veux dire, c’est simplement que l’extérieur n’est en rien
quelque chose d’extérieur mais un miroir de ce qui se joue à l’intérieur. Une
personne qui connaît une vie intérieure riche et belle résoudra tout
naturellement le problème de son apparence (tout naturellement revenant ici, pratiquement,
à dire “bien”), elle ne se vêtira jamais de frusques ridicules qui ne lui vont
pas, car elle a besoin de la simplicité comme de l’air qu’elle respire. Des
individus menteurs ou vides, par contre, ne gagnent ni en beauté ni en noblesse
à porter les vêtements les plus chers. Quand bien même, du point de vue du
couturier, leurs vêtements seraient parfaits, il manquerait aux manches, à la
coupe, le petit quelque chose qui fait rayonner ceux qui valent quelque chose [39] … »
    *
    Depuis son retour, Milena habitait sur la Kleinseite une
chambre meublée dans une vieille maison massive de la Grosspriorplatz. Elle
aimait la Kleinseite car bien des souvenirs l’y rattachaient, à commencer ceux
de sa grand-mère vers laquelle elle s’était toujours sentie attirée lorsqu’elle
était enfant. Voici ce qu’elle écrit dans Maminká, un de ses derniers
articles, où elle célèbre la femme tchèque : « … Ma grand-mère était
la réplique exacte de la Babička de Božena Nĕmcová […]. Elle portait
un fichu de soie et faisait pousser des azalées sur le rebord de ses fenêtres. Elle
avait huit enfants et quand il y avait à midi des beignets elle ne pouvait
jamais en préparer assez, les enfants venaient prendre les beignets directement
dans la poêle […]. Et lorsqu’elle se mettait à pétrir et rouler la pâte pour
préparer des boulettes, elle en avait pour une demi-journée. Qu’un des enfants
attrape la varicelle, et les sept autres y passaient aussitôt. Et grand-mère trottinait,
toute petite et débordant d’une attention soucieuse, d’un lit d’enfant à l’autre.
Elle n’était elle-même jamais malade, elle n’en avait pas le temps.
    « Les toits de la Kleinseite, le cercle de lumière qui
se découpe sur la table, en dessous de l’abat-jour vert, un caractère
remarquablement taciturne, une remarquable bonté, une nature débordant de force
vitale, un amour du pays taillé dans le granit – c’était tout cela ma
grand-mère. Lorsqu’on introduisit l’“heure d’été” pendant la Première Guerre
mondiale et que la journée commença donc une heure plus tôt, Grand-mère appela
cette innovation, avec mépris, une “invention autrichienne ‘‘ et, chez elle, les
pendules continuèrent à indiquer l’heure réelle, se réglant sur le soleil au
mépris de toutes les prescriptions. Lorsque midi sonnait au clocher, cette
femme d’ordinaire silencieuse élevait la voix pour lancer, d’un ton de reine ou
avec les accents de qui déclame un poème pathétique : “Il est maintenant
onze heures !” Et, tout à fait entre nous : il était bel et
bien onze heures [40]  !… »
    *
    Milena avait la jouissance, dans sa chambre meublée, d’une
salle de bains, luxe dont bénéficiait rarement, à l’époque, un sous-locataire. Un
jour, Wilma vint lui rendre visite, ne la trouva pas dans sa chambre – puis
entendit un clapotis provenant de la salle de bains. Elle appela Milena, et
celle-ci lui répondit aussitôt : « Mais entre donc, ma chère ! »
Wilma hésita, embarrassée par un tel sans-gêne puis, après que Milena eut
réitéré son invitation, finit par entrer dans la salle de bains. Apercevant son
corps nu, elle comprit pourquoi Milena n’avait nullement lieu de se gêner ;
c’était un corps d’une beauté, d’une harmonie, de proportions parfaites, mince,
mais non dépourvu de rondeurs pourtant ; Milena n’avait aucune raison de
le cacher, et moins encore d’en avoir honte.
    *
    Milena avait passé sept années à l’étranger. Durant ce long
intervalle, Prague s’était considérablement développée, sa nonchalance
provinciale avait cédé la place au mode de vie d’une métropole. Les rues
grouillaient de monde, pas seulement les jours de semaine, mais le dimanche
aussi : les Pragois partaient en groupes organisés dans les montagnes ou d’autres
lieux d’excursion. Quelque peu affolée, effrayée, Milena voyait ces masses s’agglutiner,
le dimanche matin à la gare. « Cette foule a quelque chose de bouleversant.
Elle est trop grande, trop étendue, trop puissante, elle occupe trop d’espace

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