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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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faire des plaisanteries, à rire.
    Dès 1937, elle avait liquidé toutes les séquelles de son
passé communiste, s’était libérée de toute forme de pensée confondant désirs et
réalité. Elle savait identifier les menaces pesant sur la liberté, de quelque
côté qu’elles viennent, elle avait le courage de condamner avec la même vigueur
la dictature national-socialiste et la dictature soviétique. Du coup, elle se trouvait
très nettement à contre-courant d’une grande partie de l’intelligentsia tchèque
qui, dans son antifascisme résolu, fermait les yeux devant la réalité
soviétique. Milena avait le don des pronostics politiques. Dès le début de la
Seconde Guerre mondiale, elle dit à des amis : « Si c’est l’Armée
rouge qui doit nous libérer, je me suiciderai… »

Journaliste politique
    « Tu as un regard pénétrant, mais ce serait bien peu, après
tout, la rue est pleine de gens dont l’agitation attire le regard, mais tu as le
courage de ce regard et avant tout la force de voir plus loin que ce regard ;
l’essentiel est dans cette capacité et tu l’as » [49]
    Au fur et à mesure que s’accentuait la pression du
fascisme hitlérien sur la Tchécoslovaquie, croissait l’amour intense que vouait
Milena à son pays, mais aussi son sentiment de responsabilité vis-à-vis de la
nation tchèque. Au cours de l’année 1937, déjà, les revendications de Henlein, le
dirigeant du « Parti allemand des Sudètes » soutenu par Hitler, devinrent
sans cesse plus exorbitantes. En avril 1938, la crise attisée par Hitler
atteignit son paroxysme après que Henlein, entre autres revendications
provocatrices, eut exigé dans son programme de Karlsbad la reconnaissance « légale »
de l’indépendance du « territoire des Allemands des Sudètes » dans le
cadre de la Tchécoslovaquie.
    Il devint manifeste, dans le même temps, que la France et l’Angleterre
n’avaient pas l’intention de protéger la Tchécoslovaquie face aux attaques d'Hitler
– en dépit de l’existence de liens de sympathie traditionnels, de liens
culturels anciens unissant la France à la Tchécoslovaquie, mais aussi, depuis
1921, d’un pacte d’assistance mutuelle entre les deux pays. En mai 1938, Hitler
concentra ses troupes aux frontières de Saxe et de Bavière, préparant à l’évidence
une attaque contre la Tchécoslovaquie. Prague riposta immédiatement à cette
menace en concentrant des troupes, opération qui fut menée à bien sans accroc, avec
un calme, une rapidité rares pour une mobilisation. Cette opération eut lieu
dans la nuit précédant le 21 mai 1938, jour des élections municipales en
Tchécoslovaquie. Bien des éléments tendent à indiquer que Hitler a eu l’intention,
à l’origine, de profiter de l’occasion pour envahir la Bohême le jour des
élections – un dimanche, alors que tous les organes de sécurité du pays auraient
été mobilisés pour la circonstance. Interrogé par Chamberlain à ce propos, il
nia néanmoins catégoriquement avoir nourri une telle intention, mettant cette
accusation sur le compte de la « manie de la persécution » tchèque.
    Peu avant ces journées de mai agitées, Milena partit à la
campagne afin de se faire une idée de l’atmosphère régnant dans les villages. Elle
rassembla ses impressions dans un reportage intitulé : « Le village
de Bohême ». Voici ce qu’elle y disait de la détermination à se défendre
de la population rurale tchèque :
    « Dans ce petit village d’à peu près sept cents âmes, quelque
huit personnes ont été convoquées pour effectuer un exercice militaire
extraordinaire. Personne ne savait ce qui se passait, tout le monde était
persuadé que c’était la guerre. Il leur restait quelques heures avant de partir.
Mais un quart d’heure après avoir reçu leur feuille de route, les mobilisés
frappaient à la porte du directeur d’école : “Qu’avez-vous à traîner ainsi ?
Allons, partons donc !” Ils portaient sous le bras leur chemise de
réserviste, leurs caleçons et leurs chaussettes réglementaires ; ils
avaient transmis aux femmes la responsabilité de la famille et la charge du
travail, et ils partaient. Le directeur d’école s’apprêtait à préparer sa
petite valise, mais que pouvait-il faire face à un désir de servir aussi prompt ?
Il partit avec eux, bien qu’ils eussent encore beaucoup de temps devant eux. On
apporta à l’un d’entre eux son ordre de mobilisation

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