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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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« Arrière-petit-fils, arrête ! le tuer serait impie. – Ô Dieu Auguste, avait répondu Caligula, il a tué ma mère et mes frères, tes descendants. N’est-il pas de mon devoir de les venger, même si le monde entier se détourne de moi comme d’un parricide ? – Généreux fils, avait dit Auguste, toi qui seras empereur après lui, ce que tu veux faire est inutile. Par mes ordres les Furies vengent tes chers disparus chaque nuit, pendant qu’il dort. » Caligula avait alors posé son poignard sur la table et quitté la chambre. Il n’expliquait pas ce qu’avait dit Tibère à son réveil en trouvant le poignard sur la table : on pouvait supposer qu’il n’avait pas osé parler de l’incident.
     

28
     
     
    Caligula, quand il devint empereur, avait vingt-cinq ans. Jamais prince, dans l’histoire du monde, n’a trouvé devant lui tâche plus aisée. Le peuple ne demandait que la paix ; le Trésor regorgeait, l’armée était bien entraînée ; quant au système administratif, il ne lui fallait qu’un peu de soin pour retrouver sa perfection, car en dépit de la négligence de Tibère, l’impulsion donnée par Livie agissait encore. Ajoutez à cela toute la confiance qui s’attachait spontanément à un fils de Germanicus et tout le soulagement qu’on éprouvait à être débarrassé de Tibère. Quelle chance magnifique pour Caligula de s’inscrire dans l’histoire sous le nom de Caligula le Bon, Caligula le Sage, Caligula le Sauveur ! Mais à quoi bon revenir là-dessus ? Si Caligula avait été tel qu’on l’imaginait, jamais il n’eût survécu à ses frères. Souviens-toi, Claude, du mépris avec lequel le vieil Athénodore traitait ces « contingences impossibles ». « Si le cheval de Troie avait eu des petits, disait-il, les chevaux coûteraient aujourd’hui moins cher à nourrir. »
    Au début Caligula trouva amusant d’encourager l’idée que tout le pays – sauf ma mère, Macro, moi, et un ou deux autres – se faisait de lui. Sa complète liberté d’action rencontrait d’ailleurs encore deux obstacles. Le premier était Macro, que son autorité rendait dangereux. Le second était Gémellus. Car en ouvrant le testament de Tibère (que celui-ci, par prudence, avait rédigé sans autre témoin que des affranchis et des pêcheurs illettrés), on s’aperçut qu’au lieu de désigner Caligula comme premier héritier, avec Gémellus au second rang en cas d’accident, le vieillard, pour le plaisir d’embrouiller les choses, les avait nommés conjointement, à charge de régner à tour de rôle, une année l’un, une année l’autre. Heureusement Gémellus était mineur et n’appartenait même pas encore au Sénat, tandis que Caligula était déjà magistrat du second degré, quelques années avant l’âge légal, et pontife. Le Sénat convint donc volontiers avec Caligula que Tibère, au moment où il avait rédigé le testament, devait avoir l’esprit dérangé. Caligula reçut tout le pouvoir sans restriction : il ôta même à Gémellus sa part de la cassette privée, sous prétexte que la cassette faisait partie intégrante du gouvernement. Ce détail mis à part, il exécuta toutes les clauses du testament et paya sans délai tous les legs de Tibère.
    Les Gardes devaient toucher une prime individuelle de cinquante pièces d’or. Caligula, pour s’assurer de leur fidélité quand il voudrait se débarrasser de Macro, leur en donna le double. Il paya au peuple de Rome les quatre cent cinquante mille pièces fixées par Tibère et en ajouta trois par tête en disant qu’il voulait déjà le faire au moment de sa majorité, mais que le vieil Empereur s’y était opposé. La même somme était prévue pour les troupes que dans le testament d’Auguste, mais cette fois elle fut versée rubis sur l’ongle. Bien mieux encore, Caligula régla tout l’arriéré du testament de Livie, que les légataires, dont j’étais, regardaient depuis longtemps comme perdu. Tibère me léguait en propre les ouvrages historiques que m’avait laissés Pollion et dont j’avais été dépossédé, ainsi qu’un grand nombre d’autres volumes de prix et une somme de vingt mille pièces d’or.
    Grâce aux legs de Livie et de Tibère, je me trouvais maintenant fort à l’aise. À ma grande surprise Caligula me remboursa en outre les cinquante mille pièces d’or que j’avais procurées à Germanicus au moment de la mutinerie et dont sa mère lui avait parlé.

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