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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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royal que ces animaux sont dressés à n’adresser qu’aux monarques. Tout cela, je ne l’ai pas vu, mais Postumus me l’a raconté.
    Le soir même Livie écrivit à Auguste :
     
    « Mon cher Auguste,
    « Le honteux évanouissement de Claude à la vue du combat – sans parler de ses tics grotesques que la solennité de la fête rendait plus regrettables encore – a du moins l’avantage de nous prouver une fois pour toutes qu’il est incapable de paraître en public. J’excepte les fonctions sacerdotales, puisque là il nous faut combler les vides tant bien que mal, et que d’ailleurs Plautius lui a passablement seriné son rôle. Mais à part cela il faut le considérer comme bon à rien – sauf peut-être à la reproduction, puisque j’apprends qu’il a maintenant rempli ses devoirs envers Urgulanille. Encore n’en serai-je sûre qu’après avoir vu l’enfant, qui sera peut-être un monstre comme lui.
    « Antonia a confisqué aujourd’hui dans son cabinet une sorte de carnet de notes historiques destinées à la biographie de son père : il y avait aussi une introduction laborieusement composée, que je t’envoie ci-jointe. Tu remarqueras que Claude a choisi pour rendre hommage à son cher père le seul côté faible de celui-ci : cet aveuglement volontaire à la marche du temps, cette illusion absurde que des formes politiques appropriées à Rome lorsqu’elle n’était qu’un village en guerre avec les villages voisins, peuvent être rétablies dans une Rome devenue le plus grand royaume connu depuis le temps d’Alexandre. Regarde ce qui est arrivé à la mort de celui-ci, quand on n’a trouvé personne d’assez fort pour lui succéder sur le trône. L’Empire est tombé en pièces, tout simplement. Mais je n’ai pas besoin de gaspiller ton temps et le mien en lieux communs historiques.
    « Athénodore et Sulpicius, à qui je viens d’en parler, jurent n’avoir jamais donné à Claude d’idées subversives et pensent qu’il a trouvé les siennes dans de vieux livres. Moi, je crois qu’il en a hérité : son grand-père, tu t’en souviens, avait la même étrange maladie. C’est bien de Claude d’avoir refusé l’héritage de la santé physique et morale et choisi cette unique faiblesse ! Grâce à Dieu, nous avons Tibère et Germanicus ! Eux, du moins, autant que j’en puis juger, ne donnent pas dans les sottises républicaines.
    « Naturellement je fais dire à Claude de laisser là sa biographie. S’il déshonore la mémoire de son père en s’évanouissant à ses Jeux, il n’est évidemment pas digne d’écrire sa vie. Qu’il trouve un autre emploi à sa plume.
     
    « Livie. »
     
    L’allusion de Pollion à l’empoisonnement de mon père et de mon grand-père me tourmentait extrêmement. Je me demandais si le vieillard radotait, s’il s’était moqué de moi ou s’il savait réellement quelque chose. Qui donc, sinon Auguste, pouvait prendre assez d’intérêt à la monarchie pour empoisonner un noble, simplement pour avoir cru à la République ? Pourtant je ne pouvais croire qu’Auguste fût le meurtrier : le poison est une arme lâche, un moyen d’esclave : Auguste ne se fût pas abaissé jusque-là.
    Deux jours avant les Jeux je causais avec notre portier, qui avait été l’ordonnance de mon père dans toutes ses campagnes. Le brave homme avait un peu trop bu : le nom de mon père était alors sur toutes les lèvres et sa gloire rejaillissait sur ses vétérans.
    — Dis-moi, lui demandai-je hardiment, ce que tu sais de la mort de mon père. A-t-on jamais dit dans le camp que cela n’avait pas été un accident ?
    — Seigneur, répondit-il, je ne le dirais à personne d’autre, mais je sais que je peux avoir confiance en toi. Oui, il y a eu des bruits à ce sujet – et des bruits plus vraisemblables que ne le sont généralement les bavardages de soldats. Ton brave et noble père, seigneur, a été empoisonné – pour moi j’en suis sûr. Une certaine personne, dont je n’ai pas besoin de te dire le nom, a été jalouse de ses victoires et l’a fait rappeler à Rome. Cela, ce n’est pas un racontar : c’est de l’histoire. Quand l’ordre est arrivé, ton père venait de se casser la jambe : ce n’était pas grand-chose et il allait déjà mieux quand cette espèce de médecin est arrivé de Rome en même temps que le courrier, avec son petit sac de poisons à la main. Qui l’avait envoyé ? La même personne qui

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