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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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d’être superstitieux. Après nos lettres un tantinet affolées du premier jour, nous n’osions pas, quand tout avait l’air de s’arranger peu à peu, vous rassurer trop vite de peur d’attirer sur nous de nouveaux malheurs.
    Une chose reste, que je vous confirme, comme je l’ai écrit à Monsieur Mauriac au début de l’affaire. Je refuserai, même malgré l’insistance de Claire, de me marier avant d’être fixé sur les résultats. Mais je pense que ceux-ci seront sus avant le 10-15 avril. S’ils sont mauvais, je rentrerai à Paris avec Claire et tandis qu’elle se reposera, je verrai ce qu’il y a lieu de faire. Je sens que je serai combatif et méchant. S’ils sont bons, c’est dans ce cas seulement que tous les projets de mariage en mai seront valables.
    Au début d’avril doit avoir lieu un “reclassement” des Français de la division, à Berlin. Si je suis “reclassé”, la vie est merveilleuse, tout va bien et je crois que ce sera une garantie suffisante. Si je ne suis pas “reclassé”, la “main noire” aura eu, provisoirement, le dessus et je rentrerai à Paris en pleine forme, faire du scandale.
    Je m’excuse d’abréger, mais la personne qui part piaffe comme un cheval de cirque et jure que je lui ferai manquer son train.
    Deux mots sur notre vie ici. Claire a eu une mauvaise crise de foie, s’en remet, et se plaint amèrement de ce que je la persécute parce que j’essaye de l’empêcher de fumer et de se coucher tard. Le temps est merveilleux et je la fais se lever à 6 heures pour monter à cheval à 7 h 30 du matin, ce qui l’obligera tôt ou tard à se coucher tôt. L’après-midi, quand nous sommes tous les deux là et presque tous les
    dimanches, nous partons faire des promenades à pied dans les bois.
    J’ai énormément de travail et Claire en profite pour me tyranniser par des mines de veuve éplorée, sous prétexte que je ne m’occupe pas assez d’elle.
    Je m’excuse encore de mon silence, je vous baise les mains, et je voudrais vous dire toute ma respectueuse et profonde affection.
    Yvan »
     
    Wia a écrit sa lettre d’une traite tandis que Claire debout derrière lui essaye de lire. Des phrases volées ici et là lui arrachent des commentaires que Wia n’écoute pas tant le temps presse. Le jeune officier, sa valise à la main, est déjà sur le palier.
    — Deux secondes, j’ai fini ! crie Wia à son intention.
    Mais au moment où il glisse la lettre enfin terminée dans l’enveloppe, Claire s’en saisit et d’une petite écriture rageuse rajoute à côté de la date : « Beaucoup plus furieuse que bouleversée. Grâce au ciel, je ne vous écrirai que demain. Je vous embrasse tout de même. Claire. » Puis elle court derrière le messager, le rattrape dans l’escalier et remonte dans le bureau de Wia.
    — Tu es beaucoup trop gentil avec elle, tu prends des gants, tu l’encourages à faire la bête, à ne rien comprendre, à...
    Claire est si énervée qu’elle ne trouve plus ses mots. Elle se laisse tomber sur une chaise, allume une cigarette, fixe Wia de ses yeux sombres et furieux. Lui, surpris par la violence de son attitude, ne sait pas quoi répondre. Pour se donner une contenance, il ouvre un des nombreux dossiers qui encombrent son bureau.
    — Je suis poli avec ta mère, c’est tout, dit-il d’un ton neutre.
    — Elle ne le mérite pas !
    Cette exclamation a des accents de révolte si adolescente que Wia sent monter en lui une formidable envie de rire. Les yeux toujours baissés sur le dossier, il n’en laisse rien paraître tandis que Claire poursuit d’un ton boudeur :
    — Non seulement maman m’écrit trois pages de reproches sur le fait que nous ne lui donnons pas assez de nouvelles, non seulement elle continue à ignorer mon travail et semble considérer que je passe de trop longues vacances à Berlin, mais en plus, elle glisse dans ce fatras une phrase ambiguë. Quand elle dit : « J’ai reçu la visite de Léon de Rosen » et qu’elle se contente d’un vague « ça n’a pas bien marché », de quoi parle-t-elle ? De la visite qu’a faite Rosen au ministère juste avant elle ? De sa conversation avec Rosen ? Il n’est pas à son goût ? Quant au P.-S., c’est le bouquet ! Terminer une lettre pareille par un laconique « Si le mariage a lieu nous préférerions, ton père et moi, qu’il ait lieu à Paris », alors qu’elle sait que notre voyage de noces se fera en Allemagne,

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