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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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essuyer les larmes de son mari.
    — Pourquoi ? demandait-il. Pourquoi ?
    Coquille Bleue ne comprit pas tout de suite la question, mais elle sentit bientôt la main de Longues Dents sur la lance.
    — Non, murmura-t-elle.
    La douleur revint, tranchant dans son corps comme une lame. La terre fut douce sous elle et elle s'agrippa à Longues Dents, appelant de toutes ses forces.
    — Les Rivières, les Rivières, les Rivières...
    Puis la douleur disparut et le monde fut un monde nouveau, éclatant et elle écarquilla les yeux pour le voir.
    88
    Longues Dents s'empara de la lance. Il en étudia les marques puis proclama à voix haute :
    — Le Corbeau.
    Cela commença par un murmure pour s'élever en cri, puis en hurlement.
    — Le Corbeau ! Le Corbeau ! N'est-ce pas assez que tu aies tué Amgigh ? Il te fallait aussi tuer ma femme ?
    Son cri se mua en un long gémissement plaintif. Puis il s'agenouilla près de Coquille Bleue, caressa ses cheveux et son visage. Il resta longuement immobile, sans parler. Puis il couvrit son visage de ses mains et pleura.
    Quand le soleil parut dans le ciel oriental, fine ligne de rouge sur la terre, Longues Dents alla à son ikyak d'où il rapporta une peau de phoque prise dans son sac de provisions. Il en fit un linceul. Après quoi il ramassa des pierres sur la plage et en recouvrit la dépouille de Coquille Bleue.
    Puis il fixa la lance du Corbeau en travers du pont de son embarcation, s'engagea dans la baie et pagaya en direction du village Morse.
    Le Corbeau gagna son côté de la demeure d'Oreilles d'Herbe. La lampe était froide, l'huile épaisse et partiellement gelée. Nulle odeur de nourriture en train de cuire, nulle voix de femme. Il posa son paquet par terre puis appela les épouses d'Oreilles d'Herbe pour leur demander de venir allumer la lampe à huile et apporter à manger.
    L'une d'elles parut et épointa la mèche avec son couteau de femme. Puis elle alluma la lampe et sa sœur apporta du poisson séché et quelques oursins frais.
    Le Corbeau craqua les coquilles et prit les œufs à l'aide de son ongle. Il ouvrit la bouche pour demander de l'eau mais les femmes avaient déjà regagné leur habitation. Le Corbeau se servit donc. L'outre était presque vide. Les autres, d'ordinaire rassemblées comme autant de petites lunes blanches au sommet du logis, étaient vides, elles aussi. Les femmes de ce village s'imaginaient-elles qu'un chaman allait lui-même chercher son eau ?
    Il dénoua les vessies qu'il porta aux femmes puis, sans un mot, regagna sa partie d'habitation. Il lui faudrait se procurer une épouse. Un homme ne pouvait vivre sans femme pour coudre son parka, lui préparer à manger, chauffer son lit et lui apporter de l'eau.
    Il ouvrit un autre oursin. Mais qui ? Il ne restait plus aucune jolie femme au village. Tous les maris possédaient la leur. Il y avait bien la fille de Poils au Menton, mais elle n'avait pas encore eu son premier sang. D'ailleurs, il préférait une veuve qui savait déjà comment plaire à un mari. Les seules veuves du village étaient celles du frère aîné de Queue de Lemming, soupira-t-il. Et quelle femme accepterait d'épouser l'assassin de son mari ?
    Il est vrai qu'il avait tué l'époux de Kiin... Le Corbeau se demandait si elle était toujours vivante, de retour auprès de celui qu'elle appelait Samig, ou si elle était morte, perdue quelque part en mer du Nord. Dans quelques jours il retournerait au village Ugyuun pour en avoir le cœur net.
    Le rideau de séparation bougea. Le Corbeau attendit que les épouses d'Oreilles d'Herbe lui apportent son eau. Elles étaient d'une lenteur ! s'exaspéra-t-il. Mais à quoi pouvait-on s'attendre ? Oreilles d'Herbe exigeait si
    peu de ses épouses qu'elles n'avaient jamais appris à servir correctement.
    — Vous en avez mis du temps ! observa-t-il sans lever les yeux de son oursin.
    — Je suis venu te rendre ta lance.
    C'étaient des mots en langue des Premiers Hommes. Des mots prononcés avec dureté. Le Corbeau leva les yeux. Il retroussa les lèvres et grinça des dents. Qui était cet homme qui paraissait dans son logis et s'exprimait sans politesse ?
    — Qui es-tu ? demanda le Corbeau d'une voix mauvaise.
    Il se leva et, sans tourner le dos à l'homme, gagna en deux enjambées le coin où il rangeait ses armes. Il saisit un harpon à morse dans sa main gauche et une javeline dans sa main droite.
    — Je suis Longues Dents, des Premiers Hommes, époux de Coquille Bleue, la

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