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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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douloureuses et ses mains si serrées autour de sa pagaie qu'elle se demandait si ses doigts se redresseraient un jour. Mais les mois dans l'ik avaient paru renforcer son bras gauche et renforcé son coude, elle parvenait maintenant, encore qu'avec effort, à redresser son bras.
    Et si Waxtal était tué ? Kukutux frémit — elle était loin de son village, loin de l'île qu'elle connaissait. Si elle se retrouvait sans mari, les autres Chasseurs de Baleines la nourriraient-ils ?
    Oui, se dit Kukutux en essayant d'oublier les récits d'autrefois concernant les veuves qu'on laissait mourir de faim au cours des hivers les plus rudes afin que vivent mères et chasseurs.
    En outre, songea Kukutux, pourquoi Roc Dur ferait-il combattre Waxtal ? Mieux valait laisser les jeunes lutter contre Samig, mieux valait que ce soit un Chasseur de Baleines qui rompe la malédiction. Peut-être Roc Dur s'en chargerait-il personnellement. L'homme qui romprait la malédiction pourrait se proclamer chef. Qui refuserait à un tel homme l'honneur d'être alananasika ? Roc Dur courrait-il le risque de perdre cette dignité au profit d'un autre ?
    Kukutux sortit sa pagaie de l'eau, la posa en travers et fit bouger ses épaules. Waxtal avait promis qu'une fois passée la plage des Commerçants — bientôt, dans un jour ou deux — ils parviendraient à un village de Premiers Hommes appelés Ugyuuns. Waxtal avait promis qu'ils y séjourneraient un jour et une nuit, un long repos avant de poursuivre leur périple, huit ou dix jours, qui les mènerait au village Morse. Waxtal avait affirmé que lui et les Chasseurs de Baleines seraient les bienvenus au village Morse, que la fille de Waxtal — épouse du chaman Morse — partagerait sa demeure et sa nourriture.
    Kukutux tâcha d'oublier la douleur de ses bras pour songer à l'odeur de la viande qui cuit, à la saveur du pourpier et de l'huile de phoque, au goût des oursins dont on dégustait les œufs, riches et orange, à même la coquille. Elle rêva aux jours passés à tisser et à coudre, à chercher des clams. Elle se rappela la chaleur et le calme d'un ulaq, les lampes à huile qui brûlent et se réjouit que Waxtal ait décidé de ne pas être éternellement commerçant. Pagayer jour après jour était terrible. Mieux valait être en sécurité dans l'ulaq d'un époux et emplir ses yeux de choses connues.
    87
    Chasseurs de Morses
    Baie de Chagvan, Alaska
    D'abord, il n'y eut aucune douleur, rien qu'un coup violent dans le dos et l'impossibilité de bouger. Coquille Bleue fut tellement surprise qu'elle n'appela même pas. Mais elle avait vu l'homme et sa cape de plumes. C'était le Corbeau. Il était seul et, pour quelque obscure raison, avait lancé son arme sur elle. Elle attendit, persuadée qu'il viendrait constater son forfait.
    Mais il regagna son ik et s'éloigna de la rive. Elle éleva la voix pour l'appeler mais il parut ne rien entendre. Elle tendit une main qu'elle referma sur la lance. Le fourreau était poisseux de son sang. Elle tira mais la lance ne bougea pas. Alors, vint la douleur. Elle hurla, appela des personnes mortes depuis longtemps, sa mère, son père. Elle appela sa fille Kiin, désormais bien loin sur la plage des Commerçants, elle appela son époux, Longues Dents, cet homme rieur aux manières si douces.
    La douleur attira des rêves et, pour un temps, Coquille Bleue se perdit dans des mondes étranges. Elle dormait sans dormir, volait dans des lieux où seuls vont les oiseaux, puis revenait pour se retrouver clouée au sol par la lance du Corbeau.
    Soudain, elle entendit le bruit d'une pagaie. C'est sûrement le Corbeau. Elle essaya de nouveau d'appeler. Cette fois, sa voix avait retrouvé quelque force. Il allait l'entendre. S'il pouvait juste lui arracher la lance, elle rentrerait au village, travaillerait dur pour eux... mais non, elle était censée retrouver son père... non, son époux Longues Dents. Lui dire... lui dire... il y avait quelque chose qu'elle devait lui dire.
    Ses yeux se fermèrent, elle s'obligea à les rouvrir. Elle appela jusqu'à ce que sa bouche n'arrive plus à former de mots. Elle était trop fatiguée, son dos la brûlait et la lance la pressait de plus en plus contre le sol. Elle dormit. Puis une voix retentit.
    — On m'appelle Asxahmaagikug, murmura Coquille Bleue. Je suis esclave...
    Quelqu'un fut à côté d'elle, qui essaya de la retourner. Elle ouvrit les yeux. Longues Dents. Elle leva une main mais ne réussit pas à

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